Les lycéens ont une vision de la laïcité "qui est en rupture" par rapport à celle de leurs "parents", selon un sondage de l'Ifop pour la Licra
D'après une enquête de l'Ifop, commandée par la Licra, 52% des lycéens sont favorables au port du voile. Ils sont également favorables au port des tenues religieuses par les parents accompagnateurs.
À l’occasion du numéro spécial de Droit de Vivre consacré à la laïcité, la Licra a commandé à l’Ifop une enquête* permettant de mieux cerner la place que les lycéens accordent aujourd'hui à la religion, le sens qu’ils donnent à la laïcité dans l’enceinte scolaire et leur point de vue sur le droit de "blasphémer" à la manière d’un journal satirique comme Charlie Hebdo. Les jeunes Français ont une vision de la laïcité "qui est en rupture et qui est beaucoup plus en ligne avec ce que l’on observe dans les pays anglo-saxons", estime sur franceinfo, François Klaus, le directeur du pôle politique/actualités au département opinion de l’Ifop.
franceinfo : 52% des lycéens interrogés se disent favorables au port du voile au lycée. Est-ce une première ?
François Klaus : Oui, il y a un hiatus très net entre le point de vue de cette jeunesse scolarisée dans le second cycle du second degré et le reste de la population adulte, qui reste encore très réticente à cette forme de manifestation de la religiosité dans l'espace scolaire. Il y a clairement un clivage entre la jeunesse et le reste de la population sur ces questions.
Dans une enquête REDco il y a une dizaine d'années, on était encore sur un rejet majoritaire du port du voile et autres tenues religieuses et on sent que la jeunesse évolue de plus en plus vers une vision très inclusive de la laïcité dans laquelle celle-ci est réduite vraiment aux principes de neutralité de l'État, tout en étant vraiment associée à une grande tolérance à l'égard des formes d'expression de son identité dans l'enceinte scolaire ou même dans les services publics. Les jeunes sont aussi, par exemple, favorables au port des tenues religieuses par les parents accompagnateurs et, pour près de la moitié d'entre eux, ils sont même aussi favorables au port des tenues par les agents du service public, comme par exemple les policiers ou les enseignants, ce qui montre qu’ils n'ont pas forcément imprégné totalement l'exigence de neutralité imposée par la fonction publique depuis 1905.
Est-ce que ce sont là les prémices de la fin d'une laïcité à la française ? Les jeunes interrogés semblent ne plus la comprendre...
Oui, ils sont vraiment sur une vision assez minimaliste de la laïcité, une vision très dépolitisée, très ouverte. Le principe d'égalité est particulièrement sensible pour les minorités religieuses et ils ne l'associent pas comme leurs parents à une forme de sécularisme culturel, d'anticléricalisme et de volonté, vraiment, de distinguer la religion de la sphère privée et du public. Donc, on est sur quelque chose qui est en rupture et qui, finalement, est beaucoup plus en ligne avec ce que l'on observe dans les pays anglo-saxons par exemple.
Sur le droit au blasphème, on observe un clivage très important entre les lycéens eux-mêmes...
Oui, et ce qui est intéressant, ce n’est pas seulement le clivage entre les lycéens musulmans (qui correspondent aujourd'hui à peu près à 14% de la population lycéenne des jeunes de 15-17 ans) et non musulmans, c'est aussi qu’il y a un phénomène d'acculturation dans les quartiers populaires où des jeunes non musulmans vont rejoindre les opinions de leurs camarades musulmans lorsque ceux-ci sont très représentés dans l’espace scolaire. Il y a une logique de solidarité des minorités ethniques ou des jeunes qui vivent dans ces quartiers pour les revendications de formes d'affirmation identitaire. Parce que pour eux, ça fait partie des éléments de respect. On est dans une génération qui est très attachée au respect des minorités.
* Cette enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1 006 personnes, représentatif de la population lycéenne âgée de 15 ans et plus, en ligne du 15 au 21 janvier 2021.
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