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"Ici, les gens se respectent" : loin des débats sur le communautarisme et le séparatisme, au Royaume-Uni, la religion se vit au grand jour

Alors qu'en France, le gouvernement veut s’attaquer à ce qu’il appelle "le séparatisme islamiste", chez nos voisins d'Outre-Manche, les religions et l’Etat ne sont absolument pas séparés, au contraire.

Article rédigé par Richard Place - Edité par Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Mansoor Clarke, imam de la mosquée du quartier de Morden, à Londres, lors de la prière. (RICHARD PLACE / RADIO FRANCE)

Une religion d’Etat, la religion anglicane, clairement affichée ; des évêques et archevêques qui siègent constamment à la Chambre des Lords, l’une des entités du Parlement britannique, où des sièges sont réservés à des représentants religieux : loin, très loin des débats en France autour de la laïcité et du "séparatisme", la Grande-Bretagne semble assumer les communautarismes religieux sur son sol. La religion, on ne la cache pas, au contraire, même : on la chante dans l’hymne national, le fameux God save the Queen, "que Dieu protège la Reine". Personne ne remet en cause l’hymne national dont le caractère religieux est pourtant scandé jusque dans le refrain.

La religion, quelle qu'elle soit, est omniprésente dans le quotidien des Britanniques. On l’affiche : hors de question de cacher sa foi. La société britannique autorise les signes distinctifs avec pour objectif de les banaliser, d’éviter le repli. Dans les rues de Londres, de Manchester ou d’ailleurs, vous croisez des policiers qui peuvent porter un turban sikh ou un voile islamique dans l’exercice de leurs fonctions. Même chose pour un enseignant qui peut venir en cours avec une kippa s’il le souhaite, tout comme les élèves.

En France, l'école est un sujet très sensible et là encore, en Angleterre, les choses se passent différemment. Quand on parle d’école publique, on inclut les écoles confessionnelles. Elles bénéficient de subventions de la part de l’Etat. Et bien sûr, un enfant peut s’inscrire dans n’importe quelle école, quelle que soit sa religion ou celle de ses parents. Dans les écoles publiques, confessionnelles ou pas, les religions et leur histoire doivent être enseignées. Si les parents d’un élève refusent qu’il assiste aux cours de religion, il en est dispensé. Mais il est clairement stipulé qu’en aucun cas un élève ne peut revendiquer sa religion pour ne pas suivre un cours.

Les mosquées, des espaces ouverts à tous

Pour comprendre comment on vit sa religion au quotidien, nous nous rendons dans le quartier de Morden, à l’extrême sud-ouest de Londres, où se dresse l’une des plus grandes mosquées d’Europe occidentale. Bâtie en 2003, elle est actuellement en travaux pour des rénovations et un agrandissement. Elle peut accueillir jusqu’à 16 000 personnes en même temps. Ici, il y a deux immenses salles de prière, une pour les femmes, une pour les hommes. Mais il existe aussi des formations d’imams, une cuisine et une salle de restauration, des studios de télévision et de radio.... Jusqu’à une grande salle polyvalente, une sorte de gymnase géant où l'on pourrait facilement faire entrer quatre terrains de basket.

La salle de prière des hommes dans la mosquée de Morden, à Londres. (RICHARD PLACE / RADIO FRANCE)

Ce lieu de culte gigantesque est financé intégralement par les fonds de la communauté : aucun argent public ou venant de pays étranger, pour être tout à fait indépendant, selon Mansoor Clarke, l’un des imams. Il est très fier de ce lieu qu’il veut ouvert à tous. "Nous l’ouvrons aux écoles qui peuvent faire passer des examens ici, explique-t-il. Les pompiers du quartier viennent s’entraîner dans cette salle, des gens organisent leur mariage ici. C’est un espace pour la communauté au sens large."

Les mosquées ne sont pas faites que pour les musulmans. Vous pouvez utiliser cette salle pour ce que vous voulez.

Mansoor Clarke, imam

à franceinfo

La mosquée s’intègre complètement dans le quartier. Aqib Khan fait partie des fidèles qui viennent prier ici. Il habite à Morden et il décrit une belle harmonie. "C’est confortable, se réjouit-il. Chaque fois que nous, les musulmans, nous organisons un événement dans le quartier, nous recevons beaucoup d’aide de la part des voisins. Nous avons aussi le soutien des élus locaux. Ici, les gens se respectent."

La mosquée située dans le quartier de Morden, à Londres (Angleterre). (RICHARD PLACE / RADIO FRANCE)

Les musulmans expliquent d'ailleurs que nier leur religion leur serait impossible. C’est le cas de Farhad Ahmad. Il n’a aucun problème avec la loi, l’autorité, d’autant plus qu’elle reconnaît sa foi. "C’est important pour les musulmans d’être loyaux aux pays auxquels ils appartiennent mais, dans le même temps, il est primordial que le pays respecte les sensibilités religieuses de chacun", juge-t-il.

Il doit y avoir un équilibre. Et c’est certain : les musulmans doivent se plier aux lois du pays, c’est l’un des enseignements de l’Islam.

Farhad Ahmad, fidèle de la mosquée

à franceinfo

Mansoor Clarke se sent-il plus Anglais ou musulman ? Dans un rire, il répond : "Je respecte et j’aime la famille royale. Je pense aussi que ma citoyenneté britannique est nourrie, renforcée par l’exercice de mes libertés individuelles. Je crois vraiment que les valeurs que je porte en tant que Britannique sont très souvent similaires, voire absolument identiques, à celles que je défends en tant que musulman."

Mansoor Clarke, l’imam de la mosquée du quartier de Morden, à Londres. (RICHARD PLACE / RADIO FRANCE)

Des tensions autour du fondamentalisme

Mais il existe aussi des tensions communautaires. D’ailleurs lorsque la mosquée de Morden a été bâtie, elle a soulevé la colère de l’extrême droite. Lorsque l’actuel maire de Londres, Sadiq Khan, a fait campagne, il y a quatre ans, affichant le fait d’être musulman, il a été sévèrement critiqué, certains lui prêtant des liens avec les intégristes.

En 2005, l’Angleterre est frappée par des attentats et le pays découvre que les quatre terroristes sont des fondamentalistes britanniques. Des voix s’élèvent pour dénoncer le modèle national et remettent en cause le poids des religions dans la société. En juin 2017, après un attentat sur le pont de Londres, la première ministre d’alors Theresa May avait appelé ses citoyens à ne plus vivre "dans une série de communautés séparées et ségréguées, mais comme un véritable Royaume-Uni".

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