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Débat sur le voile : "Il faut que la société garantisse la libre expression de la religion", affirme l'imam de Bordeaux Tareq Oubrou

"Il ne faut pas affaiblir la laïcité par une forme de crispation, d'exclusion de l'autre", a estimé l'imam sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
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Tareq Oubrou, imam à Bordeaux, lors de rencontres interreligieuses, le 27 septembre 2017. (SALINIER QUENTIN / MAXPPP)

"Il faut que la société garantisse la libre expression de la religion, tant que celle-ci ne trouble pas l'ordre public", a déclaré mercredi 16 octobre sur franceinfo Tareq Oubrou, imam de Bordeaux, auteur de Appel à la réconciliation. Foi musulmane et valeurs de la République française aux éditions Plon. Après l’agression verbale d’une accompagnatrice scolaire voilée par un élu du Rassemblement national au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé mardi qu'il n'y aurait pas de nouvelle loi sur le voile en France.

franceinfo : Est-ce que le Premier ministre a eu raison ?

Tareq Oubrou : Il a rappelé la loi. L'espace public n'est pas laïc, ce sont les institutions de la République qui sont laïques. Le citoyen n'est pas laïc. La société n'est pas laïque, c'est un pluralisme confessionnel, géré par le droit positif, à une seule condition : ne pas troubler l'ordre public établi par la loi.

La question du port du voile pour les accompagnatrices ne se pose-t-elle pas en France ?

D'un côté, les imams et théologiens doivent relativiser cette pratique du voile, qui n'est pas essentielle dans la vie d'une musulmane. C'est plus une pratique culturelle qui traduit une certaine pudeur. Le foulard ne fait pas la musulmane. Il faut engager un dialogue. Mais la loi ne résout pas le problème parce que les musulmans auront le sentiment d'être traqués partout dans la société, que la laïcité les chasse de la société, ce qui est contre-productif. Cela développe la résistance chez les pratiquants et ce n'est pas bon pour l'équilibre laïc dans notre République.

On peut être une bonne pratiquante et refuser de porter le voile ?

Évidemment. La pudeur est un principe, les vêtements relèvent de l'ordre de l'éthique et de la culture. Il faut expliquer aux musulmans l'importance des pratiques et en même temps, il faut que la société garantisse la libre expression de la religion, tant que celle-ci ne trouble pas l'ordre public. Il faut travailler sur les deux aspects. Il ne faut pas affaiblir la laïcité par une forme de crispation, d'exclusion de l'autre. Peu importe la lecture qu'on fait de sa religion, tant que cette lecture ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. On peut être pour ou contre le foulard, il y a un débat au sein des musulmans. Cela relève de la culture. Mais il faut respecter le choix des uns et des autres.

La frontière entre vigilance et chasse aux sorcières est mince ?

On assiste à des dérapages. Il y a un climat chargé d'émotions, d'irrationnel, qui ne permet pas la lucidité et le discernement. Le débat politique catalyse la crispation et aggrave la radicalisation de notre société. Les laïcistes et les intégristes risquent de créer une nouvelle fracture dans notre société. On multiplie d'autres formes de radicalisation. On a besoin d'un moment d'apaisement. Il faut apprendre à être civilisé. Il faut d'abord favoriser un climat d'apaisement pour résoudre ce problème.

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