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"C'est un nouveau virage pour les dirigeants sportifs à prendre en compte" : à Toulouse, des clubs amateurs face au communautarisme

Plusieurs associations sportives ont été pointées du doigt pour avoir vu passer en leur sein Mohammed Merah ou le terroriste de Conflans-Sainte-Honorine. Sur le terrain, ceux qui œuvrent auprès des clubs plaident pour plus de formation à la laïcité.

Article rédigé par franceinfo - Fanny Lechevestrier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le centre sportif Léo Lagrange à Toulouse. Le terroriste de l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine y a été brièvement licencié au Toulouse Lutte Club. (GOOGLE STREET VIEW)

Il y a un peu plus de deux ans, Didier Brisot, président du Comité régional Occitanie de lutte, a pu constater "des prières dans les vestiaires" dans un club de lutte de la région, le Toulouse Lutte Club. "Ils m'ont dit : 'mais chez nous, on s'entraîne quand on veut, on fait la prière dans la salle'... Je leur ai répondu : 'oui, mais ici c'est la France donc il y a des règles'", raconte Didier Brisot. À l'époque, des notes confidentielles des services de renseignement décrivaient des "dérives communautaires", "des prières sur la pelouse ou dans les vestiaires", "des individus radicalisés" dans des clubs de sport amateur. Il y a quelques mois, un rapport parlementaire dénonçait "une montée des clubs communautaires" et "une infiltration radicale dans les clubs de combat". 

Il n'y avait personne pour leur expliquer quelles étaient les procédures. Ils arrivent et ils font comme chez eux. Si personne ne leur dit, il est évident qu'ils continuent.

Didier Brisot, président du Comité de lutte en Occitanie

à franceinfo

C'est dans ce même club de lutte toulousain qu'Abdoulakh Anzorov, le terroriste qui a assassiné Samuel Paty, a été brièvement licencié, début 2018. Il n'avait suivi que trois séances.

Depuis, l'encadrement a été professionnalisé et le contact est régulier. Contrôler ces structures, les aider à évoluer sur le long terme, c'est aussi le travail de Jacques Roisin, responsable du service sport à la préfecture de Haute-Garonne. Un dossier dont il s'occupe depuis les attentats de janvier 2015. "D'après ce qu'on voit et ce qu'on constate, ce n'est pas un phénomène en grosse augmentation, concède-t-il. Si je fais un parallèle avec un autre sujet, les violences sexuelles, ce dossier est beaucoup plus important en augmentation que le sujet radicalisation et basculement dans le communautarisme". Selon lui, les clubs suivis "se comptent sur les doigts d'une main".

Des fédérations "pas très investies" dans la formation

Jacques Roisin réclame tout de même un vrai de travail de formation auprès des fédérations pour prévenir et reconnaître les signes de radicalisation. "Il existe des formations sur les valeurs de la République, explique-t-il. Je trouve que les fédérations ne sont pas très investies dans ces formations, elles ne répondent pas très présentes quand il faut participer alors que c'est gratuit et qu'on leur propose de venir". Pourquoi ? "Parce que ce n'est pas l'objectif d'un dirigeant sportif, affirme-t-il. Il est là pour son activité, il n'est pas là pour s'occuper des phénomènes de société. Mais de fait, il y est confronté, donc ça, c'est un nouveau virage pour les dirigeants sportifs à prendre en compte."

Mais Didier Brisot et Jacques Roisin de rappeler toute la difficulté de la mission avec des clubs dirigés par des bénévoles, où le turn-over est de plus en plus grand, ce qui ne facilite pas la stabilité des associations sportives et de leur suivi. Dans le volet sport du projet de loi sur le séparatisme et la laïcité, la ministre déléguée aux Sports Roxana Maracineanu souhaite notamment engager davantage les Fédérations en renforçant les prérogatives des structures sportives. Projet de loi qui doit être proposé en Conseil des ministres le 9 décembre prochain.

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