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Abaya à l'école : quelles sont les règles sur les signes associés à la religion dans les pays européens ?

La rentrée scolaire se fera sans abaya, a réaffirmé lundi le ministre de l’Éducation nationale. Comparée à ses voisins, la France est le pays le plus strict concernant le port de signes religieux à l’école. franceinfo fait le point chez nos voisins.
Article rédigé par franceinfo
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Lycée Gilles Bader (illustration), à Marseille, le 7 juin 2023. (GILLES BADER / MAXPPP)

Lors de sa première conférence de presse, lundi 28 août, Gabriel Attal, ministre de l’Éducation, a détaillé les annonces faites le lendemain de son interview sur TF1. "J'ai décidé qu'on ne pourrait plus porter l'abaya à l'école", a notamment confirmé Gabriel Attal.

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Parmi les mesures : l'interdiction du port de ce vêtement dans les écoles à la rentrée le 4 septembre prochain. Une interdiction supplémentaire dans la réglementation française sur le port de signe religieux dans les écoles, la plus sévère comparée à ses voisins. 

La France et le port "ostensible" de signes religieux

En France, la loi du 15 mars 2004 stipule que "dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit". "Les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive", précise une circulaire du 18 mai 2004.

Enfin, dans une circulaire du 9 novembre 2022, le ministère de l'Éducation souligne que le Conseil d'État distingue les signes ou tenues qui manifestent "par leur nature même, une appartenance religieuse", et ceux qui "peuvent le devenir" en raison "du comportement de l'élève". Dans les deux cas, elles sont interdites.

Une "tolérance" en Suisse

En Suisse, la loi fédérale n'interdit pas aux élèves de porter des signes religieux, mais la situation peut changer en fonction des cantons, rappelle Le Temps. À Genève, par exemple, "les signes religieux visibles – tels que le voile, la kippa ou la croix – sont tolérés chez les élèves, mais pas chez les enseignants qui se doivent d’observer une neutralité en tant que représentants de l’autorité", indique la ville de Genève.

"Ces signes ne doivent en revanche pas présenter un danger pour l’élève : on pense par exemple à un foulard ou à un pendentif en cours de gymnastique. Dans tous les cas, le visage doit rester découvert", précise la ville. La Constitution fédérale suisse garantit en effet la liberté de croyance et de conscience dans son article 15. 

La question des signes religieux chez les enseignants allemands

En Allemagne, considéré comme une manifestation de la liberté de croyance, garantie par la loi fondamentale, le port de signes religieux ou de tenues vestimentaires conformes à des croyances sont admis pour les élèves à l’école. En témoigne, par exemple, la décision de justice le 3 février 2020 qui a autorisé une élève d’un lycée d’apprentissage professionnel de Hambourg à porter un niqab, un voile intégral couvrant le visage à l'exception des yeux, pendant les cours, malgré la demande des autorités hambourgeoises, relate Der Spiegel.

En revanche, le débat se focalise sur les enseignantes. À partir de 2003, plusieurs Länder dont Berlin, ont interdit aux enseignantes le port de signes d'appartenance religieuse. Mais en janvier 2023, la Cour constitutionnelle fédérale, a qualifié ces interdictions d’anticonstitutionnelles. En mars 2023, les enseignants berlinois ont été autorisés à porter croix, kippas ou encore voiles en classe, note Der Tagesspiegel

 

Les signes religieux tolérés chez les élèves en Belgique

En Belgique, il n'existe qu'un seul jugement concernant l'enseignement primaire public, selon Unia, un organisme public, interfédéral et indépendant expert en politique d'égalité et de non-discrimination.

Le 6 novembre 2015, la cour d'appel de Liège a alors jugé que les écoles primaires de l'enseignement officiel (public) pouvaient décréter une interdiction générale du port de signes religieux aussi bien pour les élèves que pour les enseignants et les autres membres du personnel. Une décision prise en se référant au principe de neutralité, cité dans l'article 24 de la Constitution : "La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves".

De fait, dans les écoles primaires, les élèves ont le droit, en principe, de porter des signes philosophiques ou religieux en classe, mais l'école peut cependant interdire le port de tels signes à des conditions strictes, énumérées à l’article 9.2 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) et celles-ci ont été précisées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Ce n’est que si toutes ces conditions sont remplies qu’une restriction à la liberté de religion est admissible, souligne Unia. Le port du voile intégral est par ailleurs interdit dans les espaces publics en Belgique.

Espagne : pas de législation, chaque établissement choisit ses règles

Il n'existe pas en Espagne d'interdiction générale des signes et vêtements religieux et culturels à l'école. Ces dernières années, cependant, plusieurs cas de jeunes filles privées de la possibilité de porter le foulard dans leur établissement scolaire ont été signalés, selon Amnesty international. Chaque établissement applique ses propres règles sur l’usage du voile par exemple.

L'enseignement privé religieux est en général plus permissif avec le port du voile que le public, souligne le journal La Croix. Le quotidien français relate notamment, le cas d'une élève à Vitoria, capitale du Pays basque, qui a dû abandonner son école en 2015 car elle refusait de se rendre à l’école tête nue. L’élève a intégré un autre établissement semi-privé, qui lui permettait de porter le foulard islamique. 

 

Italie : crucifix en classe et pas de restriction généralisée

En Italie, la laïcité n'est pas inscrite dans la Constitution, rappelle l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation. C'est pourquoi on trouve encore des crucifix dans les salles de classe. Il n'y a pas de restriction généralisée sur le port de signe religieux à l'école. La gestion est donc laissée aux enseignants et aux chefs d'établissements.

Au Royaume-Uni, des uniformes et des signes religieux

Au Royaume-Uni, l'uniforme est obligatoire dans 90% des établissements de la maternelle au lycée, rappelle Libération. Au pays du multiculturalisme, aucune loi n'interdit le port de signe religieux à l'école. Il est courant de voir des élèves porter le hijab – le foulard islamique - en classe, par exemple. En 2007, le ministère de l'Éducation britannique a soutenu les écoles enclines à interdire le voile intégral, rappelle The Guardian.

Mais pas question d'interdire quelconque signes religieux, pour le pays qui se targue d'être l'un des plus tolérants du monde. "Les écoles doivent agir de façon raisonnable pour accommoder les demandes religieuses de chacun", précise le gouvernement. "Le gouvernement donne le pouvoir à chacune des écoles d'agir au cas par cas", relate le Temps.

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