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Pèlerinage à La Mecque : plateforme numérique, tirage au sort, difficultés logistiques... les nouvelles procédures bouleversent le quotidien des fidèles

Le grand pèlerinage annuel à La Mecque débute ce jeudi. Cette année, une nouvelle procédure d'obtention de visas, mise en place par l'Arabie Saoudite, entraîne des difficultés de réservations pour les musulmans français.

Article rédigé par franceinfo - Romane Brisard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des pèlerins près de la Grande mosquée de La Mecque (Arabie saoudite), le 5 juillet 2022 (DELIL SOULEIMAN / AFP)

Après deux ans de suspension en raison de la pandémie de Covid-19, l'Arabie saoudite rouvre ses portes aux musulmans étrangers. Le grand pèlerinage annuel à La Mecque se tient du 7 juillet au 12 juillet mais de nouvelles restrictions viennent gâcher les festivités pour les musulmans venant des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni, d'Europe et d'Australie. Le gouvernement saoudien a en effet décidé de considérablement réduire l'accueil des pèlerins.

Une plateforme unique et un tirage au sort

Seuls les croyants de moins de 65 ans avec un schéma vaccinal complet peuvent prétendre au départ. Pour accomplir le cinquième pilier de l'Islam, tous les fidèles doivent désormais réserver leur voyage sur la plateforme numérique, Motawif, lancée par le gouvernement saoudien, la seule habilitée à fournir des visas pour le grand pèlerinage. Ce n'est qu'en avril que l'Arabie saoudite a annoncé pouvoir accueillir un million de musulmans pour participer au hajj alors qu'environ 2,5 millions de fidèles au total étaient venus à La Mecque en 2019. Une annonce faite en avril dernier qui sème le désarroi du côté des agences françaises qui géraient les demandes de visas depuis des décennies.

Chez les pèlerins aussi, l'annonce a surpris. Mame Fama Kante pratique depuis dix ans le grand pèlerinage à La Mecque. Mais cette année, sur la trentaine de pèlerins avec lesquels elle devait rejoindre l'Arabie Saoudite, un seul a été tiré au sort. "C'est le voyage le plus important pour un musulman. Un voyage qui se prépare depuis des années et des années et à 12 jours du départ, on nous dit que la donne change, c'est vraiment triste", regrette cette parisienne qui n'a plus qu'à défaire ses valises. Le Coran dans les mains, elle reste positive malgré tout : "C'est le destin quelque part."

Des pèlerins livrés à eux-mêmes

Privés de l'accompagnement de leurs agences de voyages, les pèlerins français sont tout bonnement livrés à eux-mêmes à La Mecque. "Jusqu'à maintenant, cela a été l'anarchie totale ! Une catastrophe, explique Soundous El Moaddem, une Française tirée au sort pour effectuer le grand pèlerinage. Elle enchaîne les galères depuis son arrivée dans la ville sainte : "On nous avait perdu les passeports, on était dans aucune liste de transfert de bus. On sent bien que cette société qui a été engagée, ce sont des novices. Ils ont embauché des jobs étudiants pour gérer les pèlerins à leur arrivée dans les hôtels", glisse-t-elle.

Sans parler de l'hébergement imposé par le gouvernement saoudien à travers sa plateforme. L'agence leur impose désormais de loger dans un hôtel à plus de deux kilomètres de la grande mosquée, alors que celui que proposait l'opérateur français n'était qu'à 50 mètres.

"Ils ont été incapables d'organiser le 'dispatch' dans les chambres. Lors de notre arrivée, certains ont eu des clés de chambre dans laquelle il y avait déjà des gens dedans. Il y a des personnes qui n'ont pas eu de chambre"

Soundous El Moaddem

à franceinfo

Cette Française n'a pas non plus reçu son badge lui permettant d'accéder aux lieux saints. "On n'imaginait pas gérer de l'administratif, souffle-t-elle, on est déçu."

Une privatisation du marché

De leur côté, les agences de voyages spécialisées dans le tourisme religieux subissent ces changements. Les opérateurs français craignent désormais pour leur survie, car certaines sont spécialisées dans l’organisation de ce pèlerinage. Chez Orient Service, une agence basée à Paris, les pèlerinages représentent 60% du chiffre d'affaires. Mohamed Atbaa, le responsable de l'agence, a dû annuler 70 départs. "On est en colère contre la manière de faire. On n'a pas été mis en concurrence avec l'État saoudien qui prend le monopole", explique Mohamed Atbaa. "Cela leur profite, c'est des magouilles. C'est ce qu'on appelle le fait du prince", lâche-t-il avec regret. Une privatisation du marché du hadj qui doit permettre à l'Arabie Saoudite, selon plusieurs experts interrogés, de diversifier l'économie du pays en s'emparant de la manne du pèlerinage pour préparer l'après-pétrole.

Pèlerinage à La Mecque : les nouvelles procédures compliquent le quotidien des fidèles - le reportage de Romane Brisard

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