Pédocriminalité dans l'Église : les victimes "se sentent encore une nouvelle fois trahies" par les lenteurs de l'indemnisation, déplore une association
Une réunion a lieu mardi après-midi entre les victimes et l'Inirr pour s'expliquer sur la lenteur de traitements des dossiers. Près de 800 ont été déposés depuis janvier.
Les victimes "se sentent encore une nouvelle fois trahies", déplore mardi 14 juin sur franceinfo Olivier Savignac, président de l’association de victimes d’abus sexuels Parler et Revivre. L’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), principale instance chargée des réparations pour les faits de pédocriminalité dans l’Église, reçoit en fin de journée à Paris les associations de victimes. Huit mois après la création de cette structure, plusieurs collectifs dénoncent la lenteur de traitement des dossiers et même son "amateurisme". Certaines victimes attendent depuis plusieurs mois un rendez-vous. Pour une personne "toute sa vie dans le désarroi, dans la souffrance", c'est "très compliqué de refaire confiance au monde qui l'entoure. Cet infime lien devait être là et il n’est pas là", regrette-t-il. "On attend d'eux une meilleure transparence et qu'enfin des choses soient sur les rails", dit-il.
franceinfo : Qu’est-ce que ne fonctionne pas ?
Olivier Savignac : La première pierre de cette démarche de reconnaissance, c’est d’abord des gens formés avec le même processus et qui sont aussi des personnes actives. On ne peut pas attendre de bénévoles la même chose que de professionnels.
"Les personnes ne sont reçues que sur Paris. Cela veut dire quid des personnes qui sont à l'autre bout de la France."
Olivier Savignac, président de l’association Parler et Revivreà franceinfo
Pourquoi ne pas régionaliser ces référents ? On ne voit rien de tout cela et nous sommes très inquiets. Le problème, c'est qu’on est face à une instance qui n'a pas su se construire correctement, mais dans la précipitation. Vous avez des personnes qui ont écrit à cette instance parce qu'il n’y a même pas de numéro de téléphone. Ils ont écrit il y a six mois, ils n’ont toujours pas de réponse. C’est là où c'est grave. On se rend compte que c'est une seule et même personne qui répond à 700 demandes. Cela ne peut pas fonctionner. C'est pour cela que pour nous sommes très inquiets. Nous étions très inquiets déjà il y a quelques mois. Et là, finalement, ça se confirme.
Cette instance a commencé à fonctionner sans être vraiment prête, selon vous ?
Il y avait une pression sur le dos de l'Église à mettre en place une commission. Cette commission aurait dû prendre le temps de se mettre en place comme à l'époque la Ciase, la commission qui avait enquêté sur ces crimes sexuels dans l'Église. Elle avait mis au moins six mois à sept mois pour se mettre en place. Là, cela a été précipité avec des échéanciers que cette commission a avancés, qu'elle s'est elle-même fixés et qu'elle n'a pas tenus. Et vous avez en face des personnes qui ont vraiment besoin, d’abord, de cet acte de reconnaissance et ensuite de ce qu'on peut appeler symboliquement la réparation, mais aussi l'indemnisation. Et vous avez ces personnes qui sont dans l'attente et qui se sentent encore une nouvelle fois trahies. C'est là où c'est grave. Une personne victime qui a été toute sa vie dans le désarroi, dans la souffrance, c'est très compliqué de refaire confiance au monde qui l'entoure. Cet infime lien devait être là et il n’est pas là.
Quels changements attendez-vous concrètement ?
Une meilleure structuration de la commission et se rendre beaucoup plus proche des personnes. Déjà un même processus de formation pour tous les référents à l'écoute, tous les référents qui prennent les dossiers puisqu’à chaque dossier déposé, c'est un référent qui est nommé. Prendre le temps d'entendre les personnes, d'écouter en présentiel et pas au téléphone et ensuite traiter correctement le dossier, cela peut prendre plusieurs mois, mais il faut encore l'expliquer de manière pédagogique pour que des personnes soient en parfaite confiance.
"Cette instance n'a pas été transparente dès le début entre ce qui doit être envoyé vers le pénal et celles qui concernent la restauration, la réparation, le symbolique, parce que ce sont des affaires anciennes."
Olivier Savignacà franceinfo
C’est le manque de transparence dans la démarche et par rapport à ce qu'ils proposent aux personnes victimes qui font qu’il n'y a pas de confiance. On attend d'eux un meilleur positionnement, une meilleure transparence et qu'enfin des choses soient sur les rails.
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