Dialogue avec l'islam : "Nous avons perdu beaucoup de temps avec les conflits internes"
Le gouvernement a lancé, lundi, la nouvelle instance de dialogue avec le culte musulman. Après une journée de travail, francetv info a recueilli les réactions de quelques intervenants.
"Vous n'êtes pas une clientèle électorale, des groupes qu'il faut séduire. Vous êtes des Français à part entière, vous êtes des républicains." Bernard Cazeneuve a été très applaudi, lundi 15 juin, lors de la clôture de la journée de lancement de la nouvelle instance de dialogue avec le culte musulman. Un organe qui doit dorénavant se réunir une à deux fois par an.
Quelque 150 personnes étaient réunies place Beauvau pour participer à quatre ateliers thématiques : sécurité des lieux de culte et image de l'islam, construction et gestion des lieux de culte, formation et statut des aumôniers et des cadres religieux, et pratiques rituelles. Francetv info a recueilli les réactions de quelques intervenants, plutôt positives, à l'issue de cette journée de travail.
"Une nouvelle page a été ouverte"
Murat Ercan, coordinateur de projets à l'Union des Affaires Culturelles turco-islamiques de Strasbourg, évoque un travail "constructif".
Nous avons ressenti une sincérité et une volonté politique de faire avancer les choses en respect total avec les représentants, et en toute franchise.
Il souligne également que cette nouvelle instance est bienvenue car le CFCM ne pouvait pas, à lui tout seul, représenter la communauté musulmane française étant donnée la complexité des différents courants français.
"On ne laisse pas la parole aux femmes"
Zohra Sagrahoui est la présidente de l'association rouennaise La Voie du Milieu, qui prend en charge des personnes récemment converties à l'islam. "Ce ne sont pas que des paumés", assure-t-elle, précisant qu'ils sont généralement "tentés par les extrêmes" parce qu'ils ont "le cerveau lavé par les imams salafistes", explique-t-elle à francetv info avant de rentrer en atelier. Ce n'est pas un hasard si elle a participé à l'atelier sur la formation et le statut des aumôniers.
A la fin de la journée, Zohra Sagrahoui est souriante. "C'est affectueux ce qu'il dit le ministre de l'Intérieur", dit-elle, estimant qu'il y a un grand changement entre la présidence Hollande et la présidence Sarkozy.
Ca me touche énormément. Un ministre qui nous respecte, un gouvernement qui nous respecte et qui nous prend comme des enfants de la République, c'est nouveau, c'est sûr.
Seul bémol, souligné également par Murat Ercan : Zohra Sagrahoui est l'une des rares femmes à avoir participé à cette journée. Cette "féministe convaincue", et voilée, estime d'ailleurs qu'il faudrait davantage de parité dans de telles instances.
"C'est un échange apaisant"
Nezha Gaouiz est conférencière en théologie. Elle a participé à l'atelier consacré aux pratiques rituelles : chaîne de production halal, pèlerinage à La Mecque... Elle est ravie de cette journée de travail qui s'avérait, d'après le gouvernement, nécessaire après les attentats de janvier et la forte hausse des actes de violences visant les lieux de culte musulman.
Ce travail, c'est pour garantir la liberté de croyance, garantir l'égalité. C'est bien pour l'avenir des enfants, pour l'avenir de la France, pour le bonheur de tout le monde.
Mais, selon elle, cet effort de discussion et d'échange doit être constant, quotidien et surtout ne pas rester cloîtré dans les bureaux : "Chacun de nous doit prendre l'initiative pour vraiment bien œuvrer, s'engager", encourage-t-elle.
"Une fois ou deux par an, ce n'est pas suffisant"
Le rythme des réunions de la nouvelle instance de dialogue avec le culte musulman n'est pas assez soutenu, estime Mohammed Mraizika, universitaire à l'Union des mosquées de France. Il souhaiterait davantage de journées de rencontres. Mais il est déjà satisfait de voir naître cette initiative, qualifiant cette instance de "nécessaire".
Le probème de la communauté musulmane de France, c'est qu'elle est saucissonnée, même au sein des sunnites. Nous avons perdu beaucoup de temps avec les conflits internes.
Il félicite "les ateliers animés de façon pertinente", le fait d'avoir pu "restituer les grandes priorités" et "exprimer les questions" qui traversent la communauté musulmane française.
Le travail ne fait que commencer. Reste à voir s'il va se solder par des mesures concrètes et si les différents intervenants vont réussir à taire leurs divisions. Preuve qu'elles sont encore vives : l'imam de Drancy s'est fait chahuter après le discours de Manuel Valls. "Il ne parle que pour lui, c'est un clown", a tranché auprès de francetv info Zohra Sagrahoui, que l'on voit intervenir dans la vidéo alors que Hassen Chalghoumi est en pleine interview.
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