Augmentation des actes antisémites : "Il y a une libération de la parole et des actes antisémites"
Jérôme Guedj, conseiller départemental de l'Essonne et fondateur du Prix Ilan Halimi, a commenté mardi sur franceinfo la hausse des actes antisémites en France.
"Il y a une libération de la parole et des actes antisémites", a dénoncé Jérôme Guedj, conseiller départemental de l'Essonne, ancien député et créateur du Prix Ilan Halimi, mardi 12 février sur franceinfo. En France, les actes antisémites ont bondi de 74% en 2018, a indiqué lundi soir le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. Ces chiffres surviennent à l'issue d'un week-end où plusieurs inscriptions antijuives ont été découvertes à Paris et où des arbres en mémoire d'Ilan Halimi, séquestré, torturé et tué en 2006 du fait de son appartenance à la communauté juive, ont été vandalisés dans l'Essonne.
franceinfo : Comment vous comprenez de tels gestes antisémites ?
Jérôme Guedj : Assurément comme la libération d'une parole et d'actes antisémites. C'est une violence qui n'est pas que symbolique que de mettre une croix gammée sur le visage de Simone Veil. Dans la tête de ceux qui ont décidé d'aller sur le lieu de la découverte du corps d'Ilan Halimi, l'idée est de se dire "je vais à cet endroit-là, tuer une deuxième fois Ilan Halimi" et, à travers lui, envoyer ce message très clair qui est que l’on peut être antisémite en France. Là où le drame est absolu, c'est que dans le prolongement de ces actes, de ces paroles libérées, les mots tuent. Depuis Ilan Halimi, il y a eu dix autres Français de confession juive qui ont été tués parce qu'ils étaient juifs. L'école Otzar Hatorah à Toulouse, et l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes sont des exemples. Il y a une sorte de bataille qui est engagée, il faut des outils juridiques, des outils de sanctions et des outils culturels comme le prix Ilan Halimi pour lutter.
Faut-il parler de ces actes, en les médiatisant ?
C'est l'éternel débat. En parler, c'est donner un retentissement et une publicité pour des actes isolés. Dans le même temps, la multiplication de ces actes isolés fait sens et les taire ou les cacher serait vécu comme une forme de complaisance, de banalisation. Il faut en parler et les disséquer afin de bien comprendre de quoi il s’agit. On a un antisémitisme qui est protéiforme. Il n'y a pas un milieu social, pas un milieu culturel, pas une tranche d'âge qui aient été épargnés par l'antisémitisme et c'est cela qui est inquiétant. Il y a plusieurs canaux : l'antisémitisme historique de l'extrême droite, le vieil antisémitisme d'une certaine tradition, heureusement abandonnée, dans l'Eglise catholique et l'antisémitisme lié à l'islamisme radical ou à l'islam politique, il y a aussi les vieux clichés antisémites sur l'argent. C'est tout cela qu'il faut disséquer.
On parlait tout à l'heure d'Alain Soral, qui a pignon sur rue. Est-ce que cela change quelque chose dans la société ce que ce type de personne dit et écrit, en permanence ?
Incontestablement. C'est la raison pour laquelle les politiques disent "quand un juif est attaqué, c'est la République qui est attaquée". Si la République est attaquée, il faut qu'elle se donne les moyens de se défendre. On voit bien que pour les interdictions de sites internet et les condamnations, cela prend parfois du temps. Il y a des demandes qui sont faites pour que la sanction de l'antisémitisme ne relève plus du droit de la presse mais du droit pénal pour aller plus vite. Je ne suis pas juriste, je ne sais pas si c'est pertinent. Mais il y a beaucoup d'associations comme l'UEJF (Union des étudiants juifs de France) qui se battent pour cela.
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