"J'étais un enfant du déshonneur" : des fils et filles de prêtres vont rencontrer des responsables de l'Église
"Quand les gens demandent ce que fait mon père... et bien je parle de la deuxième partie de sa vie, quand il était kiné", témoigne Léa sur franceinfo.
C'est une rencontre inédite : trois enfants de prêtres sont reçus jeudi 13 juin à huis clos à Paris par des membres de l'épiscopat. Ces trois fils et filles d'ecclésiastiques appartiennent à l'association Enfants du silence. Créée en 2013, elle milite pour la reconnaissance de ces enfants et pour que les prêtres puissent se marier.
Léa*, 40 ans, est la fille d'un ancien prêtre. Son père a exercé dans l'Église pendant 20 ans avant de quitter les ordres et d'avoir quatre enfants. Léa ne va pas participer à cette rencontre à Paris, mais salue un premier pas encourageant. "Même s'il n'y a pas de décision extraordinaire, il y aura déjà un premier contact et c'est très important, assure-t-elle. Ils vont leur serrer la main en sachant qu'ils serrent la main à des enfants de prêtres. Des enfants du déshonneur. Parce que moi j'étais un enfant du déshonneur, un enfant du diable."
Menaces de mort et incendie criminel
Léa se souvient très bien de sa jeunesse. Elle avait 5 ou 6 ans quand ses parents lui ont parlé du passé de son père dans l'Église, avant qu'il ne devienne papa. "Je l'ai su quand mon père, qui avait quitté les ordres, a commencé à se faire persécuter là où il travaillait. On a reçu tout un tas de menaces : des lettres anonymes de menace de mort, un début d'incendie criminel dans notre maison, des courriers avec des excréments dedans... Mes parents m'ont dit : 'Ton papa était dans la religion et les gens n'aiment pas trop qu'il ait quitté la religion'."
Des souvenirs difficiles pour Léa, qui a était ciblée directement. "La police nous avait dit à l'époque : 'Ne mettez pas vos enfants à l'école maternelle, c'est un peu dangereux.' Ça a duré un an comme ça."
Les gens sont désagréables avec vous et vous ne comprenez pas trop ce qui se passe. Ça marque.
Léaà franceinfo
Même aujourd'hui, alors qu'elle est adulte, la situation est compliquée à gérer pour Léa. "C'est quand même un peu bizarre, raconte-t-elle. On n'est pas 10 000 à être des enfants de prêtre ! C'est un poids. Quand les gens demandent ce que fait mon père... et bien je parle de la deuxième partie de sa vie quand il était kiné. Il y a 20 ans de sa vie sur lesquels je n'ai pas trop envie de m'étendre."
Léa assure qu'elle témoigne aujourd'hui pour les autres enfants de prêtres et pour faire avancer une situation restée longtemps taboue. Mais récemment, le pape a affirmé que les hommes d'Église qui ont des enfants doivent l'assumer et donc quitter leur ministère pour que leurs enfants ne soient plus des anonymes.
* Le prénom a été modifié.
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