Des policiers et des gendarmes étaient-ils attablés dans une mosquée à La Réunion ?
Damien Rieu, figure de l'extrême droite identitaire, s'interroge sur Twitter face à ce cliché très commenté. La photo a été prise à la mosquée de Saint-Joseph. Tous les ans, pendant le ramadan, les responsables du lieu de culte invitent des représentants des autorités à une rupture symbolique du jeûne.
Reconnaissables à leurs uniformes bleu marine, les gendarmes et policiers municipaux sont assis en tailleur sur des tapis. Une longue table basse, couverte de gobelets et d'assiettes, est dressée à l'intention des dizaines de convives. Le lieu fait penser à une mosquée. Sur Twitter, Damien Rieu, figure de l'extrême droite identitaire, s'interroge, jeudi 30 mai. La scène se serait tenue sur l'île de La Réunion, croit-il savoir, demandant une confirmation dans son tweet, qui a suscité de nombreuses réponses ironiques.
Apparament ça se passe à La Réunion. Quelqu’un confirme ? pic.twitter.com/FBUaVvtOxS
— Damien Rieu (@DamienRieu) May 30, 2019
La photo a été prise mardi 28 mai à la mosquée de Saint-Joseph, petite ville du sud de l'île, à l'occasion de l'iftar, la rupture du jeûne célébrée chaque soir par les musulmans pratiquants pendant le ramadan. L'auteur du cliché, Johnny K'Bidi, l'a publié sur la page Facebook d'actualité locale Mon Saint-Jo, qu'il anime.
"C'est un moment de partage et de discussion. Ça se passe dans une ambiance bon enfant, raconte le photographe à franceinfo. Ça fait des années qu'on fait ça. Pour nous, c'est tout à fait normal. Je ne pensais pas que ça prendrait de telles proportions."
"Un iftar d'ouverture"
Le cliché a également été publié par l'association islamique de Saint-Joseph, qui gère la mosquée, sur sa page Facebook jeudi 30 mai. Contacté par franceinfo, Goulam Gangate, le président de l'association culturelle, le confirme : "Ça fait une douzaine d'années qu'on organise cet 'iftar d'ouverture'. C'est l'occasion de se rencontrer, d'abaisser les barrières et de se parler."
"Nous convions les représentants des autres communautés religieuses, de l'Etat, de la commune et des communes voisines, de la police, de la gendarmerie, de l'enseignement", liste le représentant associatif. "La table est dressée dans une salle de la mosquée, avec du lait, des dattes et quelques gâteaux, pour une rupture du jeûne symbolique après la prière", relate-t-il.
"Ici, c'est comme ça, c'est rentré dans les mœurs. Dans les villes métropolitaines, ça commence à se mettre en place, mais ça prend un peu plus de temps, parce que l'histoire et le contexte ne sont pas les mêmes, constate Goulam Gangate. Il y a des réactions d'incompréhension, négatives et épidermiques, on fait avec."
Les gens en métropole ne connaissent pas le contexte réunionnais. Ici, la mairie, la mosquée, la gendarmerie... Tout est à moins de 100 mètres. On a des relations de bon voisinage. Des relations fraternelles et amicales.
Goulam Gangate, le président de l'association culturelleà franceinfo
Le maire de Saint-Joseph, Patrick Lebreton, a lui aussi partagé des photos de cet iftar sur sa page Facebook. Joint par franceinfo, l'élu loue cette "coutume". "Pour nous, c'est le prolongement d'une pratique naturelle, ce n'est pas forcé", plaide-t-il, ajoutant : "C'est quelque chose qu'il faut faire perdurer et faire voir."
"C'est notre manière de vivre, dans ma commune, comme dans les autres", expose le maire. "En métropole, sur la place du village, il y a la mairie et l'église. A La Réunion, on a en plus la mosquée, voire les temples tamoul et chinois. On a la cloche qui sonne la messe au clocher et l'appel à la prière de la mosquée."
C'est le vivre ensemble réunionnais.
Patrick Lebreton, maire de Saint-Josephà franceinfo
"Quand il y a eu le débat sur le port du voile dans l'espace public il y a quelques années en métropole, on n'a pas compris, raconte l'élu. Chez nous, ça n'a jamais choqué. Forcément, on a l'impression d'être un peu déconnectés de ces polémiques." Le maire réunionnais déplore surtout "une montée des extrêmes dans notre pays". "L'obscurantisme gagne du terrain, c'est vraiment dommage."
Interrogé par franceinfo, Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité, assure que la présence de gendarmes et de policiers en uniforme dans une mosquée "n'entre pas en contradiction avec la loi du 9 décembre 1905 et avec le principe de laïcité, dès lors que ces gendarmes et policiers n'ont pas marqué d'adhésion au culte – par la prière par exemple". Il ajoute que "l'observation des marques de respect communément admises – par exemple se déchausser dans une mosquée ou porter un couvre-chef dans une synagogue – ne constitue pas une marque d'adhésion au culte".
Le principe de laïcité n'interdit pas le dialogue entre autorités publiques et cultes, dès lors que l'indépendance des uns et des autres est préservée.
Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcitéà franceinfo
A l'occasion de la fin du ramadan, la communauté musulmane sera invitée à la mairie de Saint-Joseph, comme la communauté chinoise l'a été lors des fêtes du Nouvel An du calendrier lunaire.
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