Laxisme, opacité, petits arrangements... La Cour des comptes épingle la gestion des lieux pieux français à Rome

Cinq églises et 13 immeubles situés au cœur de la capitale italienne sont gérés par les "Pieux établissements de la France à Rome et à Lorette". La Cour des comptes dresse un bilan accablant de leur gestion entre 2015 et 2022.
Article rédigé par franceinfo
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La Sainte-Trinité-des-Monts, à Rome (Italie), le 24 novembre 2022. L'église fait partie des édifices religieux gérés par les "Pieux établissements". (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

C’est une institution connue à Rome. Les "Pieux établissements de la France à Rome et à Lorette" gèrent le patrimoine religieux et immobilier de la France dans la ville du pape. Cela représente cinq églises, dont la Trinité-des-Monts et Saint-Louis-des-Français, et 13 immeubles en plein centre de la capitale italienne, qui génèrent des revenus de plus de 5 millions d’euros chaque année. Dans un rapport au lance-flammes, la Cour des comptes dénonce une gestion défaillante et un manque de contrôle de l’ambassade de France au Vatican. 

C'est un monde laxiste, opaque et fait d’arrangements que décrit le rapport. "Les carences sont nombreuses et manifestes", note d'emblée la Cour, citant par exemple le cas de l’habitant d'un grand appartement depuis 1985, sans bail pendant 22 ans, avec un loyer au moins deux fois inférieur au prix du marché. Perte estimée au fil des années : près de 3 millions d’euros.

Des "avantages peu justifiés"

Plus largement, sur l'immobilier, la Cour des comptes évoque une "politique opaque d'attribution et de fixation des loyers" des 148 appartements et 31 magasins, en moyenne "en dessous de la fourchette basse" avec "des avantages peu justifiés octroyés à de nombreux locataires". Un "manque de professionnalisme" qui lui fait perdre "près de 50%" du revenu potentiel.

Les magistrats dénoncent aussi le manque de transparence : pas d’inventaire précis du patrimoine, pas d’appels d’offres publics pour les travaux d’entretien. Des travaux confiés à peu d'entreprises, entraînant un "risque de surfacturations importantes". Une partie de la comptabilité est hors bilan. Le rapport mentionne par ailleurs "une coopération défaillante avec le ministère de la Culture", notamment sur les consignes anti-incendies, ce qui fait courir "un risque avéré pour la sécurité des biens et des personnes". 

Inaction de l'ambassade de France au Vatican

Le tout sous le regard passif de l’ambassade de France au Vatican, responsable en dernier ressort. "De longue date informé de ces dérives, le ministère des Affaires étrangères n'a pas pris les mesures nécessaires pour rétablir une situation dégradée", poursuit la Cour des comptes. L'État "doit mettre un terme sans délais aux errements constatés", écrit la Cour, estimant que le cadre juridique "doit impérativement évoluer".

Le rapport se concentre sur la période 2015-2022. L’actuel administrateur arrivé en 2023 assure que l’essentiel des recommandations de la Cour sont progressivement mises en œuvre. Reste un gros chantier : l’inventaire là encore manquant des biens mobiliers des pieux, qui recèle des trésors, comme trois fameux tableaux du Caravage à l’église Saint-Louis-des-Français, estimés à plusieurs centaines de millions d'euros.

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