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Surpopulation carcérale : "Les tensions deviennent quotidiennes", dénonce l'Observatoire international des prisons

Selon le coordinateur du pôle enquête de l'Observatoire international des prisons (OIP), la hausse du nombre de détenus et le manque de places entraînent la violence, liée à la promiscuité, et des tensions avec le personnel. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un agent pénitentiaire à l'entrée de la prison du Craquelin à Châteauroux (Indre), le 4 février 2019. (VICTOR VASSEUR / RADIOFRANCE)

"Aujourd'hui il y a plus de 1 600 personnes dans les prisons françaises qui dorment par terre sur des matelas. Il n'y a pas assez de lits", déplore mardi 14 mai sur franceinfo, François Bès, coordinateur du pôle enquête de l'Observatoire international des prisons (OIP), alors que le nombre de détenus atteint au 1er avril 71 828 personnes incarcérées, un nouveau chiffre record.

Il y a 59 459 places dans les prisons françaises, la densité carcérale s'établit désormais à 117 %, contre 118% au 1er avril 2018. Elle dépasse les 140% dans les maisons d'arrêt. "Les gens restent enfermés 22h sur 24 en cellule pour beaucoup. Il est bien évident que les situations de tensions deviennent quotidiennes".

Êtes-vous étonné par cette nouvelle augmentation du nombre de détenus dans les prisons ?

Malheureusement non. On commence à être véritablement habitués à ce que très régulièrement des records soient battus. Nous sommes contactés par des personnes détenues, des intervenants, des familles au quotidien et la situation s'aggrave à l'intérieur des établissements. La construction de prisons est une technique qui est utilisée depuis des années 80. À chaque fois, on nous annonce que ça va résorber la surpopulation. Dans la réalité, comme tout un tas de choses qui devraient être faites en amont pour limiter considérablement les incarcérations ne sont pas véritablement faites, on a vu cette fuite en avant avec une augmentation constante et du nombre de places mais également du nombre de détenus.

Le gouvernement prévoit la fin des très courtes peines. Ça fait des années qu'on entend ce discours. Peut-on espérer que les choses évoluent de ce côté-là ?

Pour l'instant, on est encore sur des effets d'annonce et des nouveaux textes qui ont été votés, mais on a eu des dizaines de réformes qui allaient dans ce sens ces dernières années. Maintenant, on jugera sur acte. Aujourd'hui il y a plus de 1 600 personnes dans les prisons françaises qui dorment par terre sur des matelas. Il n'y a pas assez de lits. Les cellules des maisons d'arrêt sont pour la plupart autour de 9 mètres carrés, certaines sont même plus petites. Vous pouvez avoir trois voire quatre personnes incarcérées dedans. Du fait de cette surpopulation, il y a peu d'offres d'activités, peu de parloirs, peu d'accès à des activités ou au travail. Ce qui fait que les gens restent enfermés 22h sur 24 en cellule pour beaucoup, enfermés avec trois autres personnes que vous n'avez pas choisies. Il est bien évident que les situations de tensions deviennent quotidiennes.

Que recueillez-vous comme témoignages au niveau de l'OIP ?

La violence, liée à la promiscuité, des tensions avec le personnel. Les surveillants passent leur temps à courir pour ouvrir des portes. Ils sont malheureusement obligés de limiter leurs mouvements car ils ne sont pas en nombre suffisant par rapport au nombre de détenus. Les surveillants sont en première ligne, car ce sont eux qui sont en contact au quotidien avec les personnes détenues. Un surveillant nous disait il n'y a pas très longtemps : "Le matin quand je fais ma ronde et que j'ouvre les portes des cellules au moment du réveil, je suis toujours extrêmement angoissé, parce que je ne sais pas si derrière, je ne vais pas retrouver une personne qui s'est pendue, deux personnes qui se sont entre-tuées ou si je ne vais pas me prendre finalement une chaise, une table ou un plateau dans la figure, puisque ce sera l'expression du malaise de la personne détenue qui est de l'autre côté".

Quel autre type de problèmes pose cette surpopulation carcérale ?

L'accès aux soins est mis à mal également, le nombre de médecins ne correspond pas au nombre réel de personnes détenues. Dans pas mal de prisons, les soignants ont à gérer l'urgence, mais ne peuvent absolument pas faire d'autres consultations. Cela, on le retrouve dans d'autres secteurs, l'accès à l'éducation, au travail, aux activités. Pour les parloirs, il y a énormément de demandes, il y a plus de détenus et donc plus de familles qui demandent. Tous les parloirs ne sont pas assurés, cela crée un isolement complémentaire puisqu'on perd la possibilité de voir régulièrement sa famille. Les conseillers d'insertion et de probation qui sont déjà en nombre tout à fait insuffisant sont totalement débordés et n'arrivent pas à gérer la préparation à la sortie et finalement, l'insertion des gens.

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