Colère des surveillants de prisons : quels sont les points de blocage entre les syndicats et la ministre de la Justice ?
Les syndicats de surveillants ont quitté la table des négociations, mardi 23 janvier, et appelé à poursuivre le mouvement de blocage dans les prisons.
Les négociations sont dans l'impasse. Les trois principaux syndicats de surveillants de prison ont claqué la porte des discussions engagées par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, mardi 23 janvier. Au dixième jour de mobilisation, aucun autre rendez-vous n'est prévu. Les principaux motifs de désaccord entre les syndicats et le gouvernement portent sur trois points majeurs : les effectifs des personnels pénitentiaires, la sécurité dans les prisons et les rémunérations.
De son côté, la place Vendôme affirme que sa porte "reste ouverte" mais souligne cependant la difficulté de négocier avec des organisations syndicales "qui ne sont pas d'accord entre elles".
Les effectifs de surveillants
Ce que propose le gouvernement. L'administration pénitentiaire compte environ 28 000 personnels de surveillance pour une population carcérale de 69 714 personnes, soit un surveillant pour 2,5 détenus. Le projet d'accord proposé par le gouvernement prévoyait la création de 1 100 postes sur une durée de quatre ans, en plus des recrutements déjà prévus. Un effort jugé "tout à fait considérable" par la ministre de la Justice. Sur ce volet, "nous sommes allés au maximum de ce que nous pouvions faire", a déclaré Nicole Belloubet mardi soir sur LCI. La ministre évoque par ailleurs le "problème d'attractivité" de la profession, qui rend difficile le recrutement de surveillants de prison.
Ce que réclament les syndicats. Ces propositions d'embauches du gouvernement ne sont pas satisfaisantes pour les trois syndicats majoritaires. FO Pénitentiaire (environ 30%) demande, en plus de ces 1 100 créations, "un recrutement pour combler les postes vacants, estimés à 2 500", soit 3 600 postes au total. La CGT demande également de combler les vacances, mais espère plutôt entre 1 500 et 1 800 emplois.
La sécurité
Ce que propose le gouvernement. Le ministère a mis en avant l'"amélioration des équipements de sécurité", qui concerne par exemple les gilets pare-balles ou les moyens de communication. Concernant la gestion des détenus violents ou radicalisés, la Chancellerie propose la création de 77 quartiers "étanches" empêchant tout mélange de ces individus avec les autres détenus.
Ce que réclament les syndicats. Plutôt que des quartiers dédiés, ils demandent la création d'établissements spécialisés dont la sécurité serait adaptée à la dangerosité des détenus. FO et la CGT réclament en outre l'abrogation de l'article 57 de la loi pénitentiaire, en vigueur depuis 2009, qui encadre strictement les fouilles corporelles sur les détenus. Une revendication non satisfaite à ce jour, la Chancellerie ayant simplement proposé une évaluation parlementaire de cet article.
De nouveaux équipements sont également réclamés, comme des "passe-menottes", un dispositif permettant de menotter les détenus sans ouvrir la porte de la cellule. Le syndicat FO demande aussi que les gardiens soient équipés de Taser, "dans un but dissuasif".
Les salaires et le statut
Ce que propose le gouvernement. La ministre a mis sur la table trois propositions indemnitaires, représentant une enveloppe de 30 millions d'euros. D'abord une "prime d'attractivité" pour inciter les surveillants à accepter des postes jugés plus difficiles. "Un nouveau surveillant qui s'engage à rester pendant cinq ans dans ce type d'établissement toucherait une prime de 7 900 euros sur cette période", donne-t-on en exemple au ministère de la Justice.
Le gouvernement propose également de revaloriser de 26 à 40 euros la prime reçue pour le travail des dimanches et des jours fériés. Enfin, une prime de dangerosité de 1 400 euros par an est proposée aux 30% des personnels les plus exposés aux violences. Lundi, Nicole Belloubet a expliqué qu'elle était "plus ouverte" à des changements sur les indemnités qu'à un changement de statut, voulu par certains syndicats, indique TV5 Monde.
Ce que réclament les syndicats. Pour FO, l'effort de 30 millions d'euros proposé est insuffisant. L'organisation chiffre même à 200 millions d'euros l'effort que l'Etat devrait réaliser, selon Les Echos. FO et la CGT réclament en effet une revalorisation du statut de surveillant qui les ferait passer de la catégorie C à B de la fonction publique. Avec, à la clé, une meilleure rémunération et une meilleure pension de retraite, soulignent Les Echos.
De son côté, l'Ufap (syndicat majoritaire) n'a pas apprécié la prime de dangerosité évoquée par le ministère. "En clair pour cette somme, être agressé deviendrait acceptable ? Ne serait-ce que d'y avoir pensé, c’est une insulte aux personnels", s'emporte son secrétaire général, Jean-François Forget. Selon lui, un surveillant en début de carrière gagne environ 1 500 euros net, avec les primes, et en fin de carrière, 2 200 euros. Les trois syndicats majoritaires réclament chacun des revalorisations mais selon des modalités différentes.
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