Visites dans les Ehpad, animaux de compagnie, lutte contre les maltraitances... Que contient le texte sur le "bien-vieillir" adopté par le Parlement ?

Une proposition de loi a été définitivement approuvée par le Sénat, mercredi. Malgré des avancées concrètes, elle est jugée insuffisante par des élus de tous bords, qui appellent à un projet de loi plus ambitieux.
Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
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Temps de lecture : 7min
Une résidente de l'Ehpad de la Rosemontoise, Bernadette, participe à une séance de zoothérapie, le 18 mars 2024, à Valdoie (Territoire de Belfort). (MICHAEL DESPREZ / L'EST REPUBLICAIN / MAXPPP)

Un petit pas en attendant un texte d'ampleur ? Le Sénat a définitivement adopté la proposition de loi sur le "bien-vieillir", mercredi 27 mars, une semaine après le feu vert de l'Assemblée nationale. Cette compilation de mesures, fruit d'un compromis entre sénateurs et députés à partir d'un texte déposé par le camp présidentiel, vise à "bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie". Derrière ce titre se cachent des dispositions saluées pour leur utilité, mais critiquées pour leur portée limitée. "S'il comporte quelques avancées intéressantes, ce texte ne peut se substituer à une stratégie d'ensemble proposée par le gouvernement", a résumé le sénateur LR Philippe Mouiller, plaidant, comme tant d'autres élus, pour un projet de loi sur le grand âge.

"Nous souhaitons tous une réforme ambitieuse pour relever le défi du vieillissement", a acquiescé la députée Renaissance Annie Vidal, tout en défendant sa proposition de loi, modeste mais "pragmatique". Pressé d'agir, le gouvernement s'est jusqu'ici contenté de soutenir l'initiative et d'inclure plusieurs des mesures dans son plan de lutte contre les maltraitances dévoilé lundi. Franceinfo vous présente le contenu de ce texte.

Un droit de visite garanti dans les hôpitaux et les Ehpad

Après le traumatisme vécu par de nombreuses familles lors de la crise du Covid-19, la loi va sanctuariser le droit de recevoir de la visite "chaque jour" dans les établissements de santé, ainsi que dans les lieux accueillant des personnes âgées, en situation de handicap ou atteintes de pathologies chroniques. Cette disposition relevait jusqu'ici de simples règlements.

"En inscrivant ce droit dans la loi, nous lui donnons plus de force."

Annie Vidal, députée Renaissance et corapporteuse de la proposition de loi

à franceinfo

Une visite ne pourra être refusée "que si elle constitue une menace pour l'ordre public" ou "une menace pour la santé du résident" et celle des autres membres de l'établissement. En revanche, pour les personnes "en fin de vie" ou "dont l'état requiert des soins palliatifs", le droit de visite sera inconditionnel, y compris en cas de nouvelle pandémie.

Une possibilité d'accueil des animaux de compagnie

Les établissements pour personnes âgées devront garantir à leurs résidents "le droit d'accueillir leurs animaux de compagnie". Leurs propriétaires doivent toutefois être en mesure d'"assurer leurs besoins" dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité.

Un arrêté ministériel doit encore définir la liste des catégories d'animaux domestiques qui pourront être admis, ainsi que leur taille maximale. Chaque Ehpad pourra s'opposer à cette mesure, en cas de refus exprimé au sein du conseil de la vie sociale, où sont représentés les résidents et le personnel de l'établissement.

Une instance départementale de signalement des maltraitances

Le texte instaure dans chaque département "une cellule chargée du recueil, du suivi et du traitement des signalements de maltraitance" envers les adultes vulnérables. Toute victime ou tout témoin pourra se tourner vers elle, notamment par l'intermédiaire du numéro unique déjà existant, le 39 77.

Nouveauté notable : les personnes soumises au secret professionnel (soignants, notaires, banquiers...) pourront alerter la cellule sans s'exposer à des poursuites disciplinaires. Outre sa fonction de centralisation des signalements, l'instance pilotée par l'agence régionale de santé sera chargée de transférer les dossiers à l'autorité compétente et de superviser la réponse apportée à chaque alerte.

Un contrôle renforcé des antécédents du personnel

L'ensemble des professionnels des services à la personne, y compris les aides à domicile, feront l'objet d'une interdiction d'exercer en cas de condamnation définitive pour un crime ou un délit. Cette règle vient élargir une mesure qui s'appliquait déjà dans les Ehpad et dans les différents établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Les responsables de structures pourront également être informés d'autres faits qui ne figurent pas au casier judiciaire de leur personnel, comme une mise en examen ou une condamnation contestée en appel.

"L'objectif est d'empêcher un violeur de continuer d'exercer auprès de personnes vulnérables pendant plusieurs années en attendant le jugement définitif."

Annie Vidal

à franceinfo

"Les employeurs pourront ainsi prendre des mesures d'éloignement de la personne mise en cause, notamment en l'affectant à un poste ne nécessitant pas de contact avec le public", expose la députée. Pour Annie Vidal, cela permet de répondre à un délicat équilibre entre le principe de présomption d'innocence et le principe de précaution. Dans certains cas, l'éloignement pourra aller jusqu'au licenciement.

Une carte professionnelle pour les intervenants à domicile

Les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées se verront remettre une carte professionnelle, qui pourra leur offrir certaines "facilités", par exemple en matière de stationnement. "Cette forme de reconnaissance aura essentiellement une portée symbolique", a toutefois reconnu la sénatrice UDI Jocelyne Guidez, corapporteuse de la proposition de loi.

Les conditions de travail pourraient également être améliorées grâce à l'expérimentation dans certains départements d'un financement par forfait des services autonomie à domicile fournis. Ces derniers sont pour l'heure régis par une logique de tarifs horaires.

Un guichet unique de l'autonomie dans chaque département

Le texte prévoit la création d'un service départemental de l'autonomie. Il devra "faciliter" les démarches des personnes âgées, des personnes handicapées et des proches aidants, "en garantissant que les services et les aides dont ils bénéficient sont coordonnés, que la continuité de leur parcours est assurée et que le maintien à domicile est soutenu, dans le respect de leur volonté et en réponse à leurs besoins".

Un suivi renforcé des personnes âgées ou isolées

Les maires se verront confier la mission de recueillir, sous conditions, l'identité des personnes âgées ou en situation de handicap qui bénéficient de prestations financières ou qui sollicitent certains services sociaux, médico-sociaux et sanitaires. Le registre constitué pourra leur permettre d'"organiser un contact périodique" avec ce public, notamment en cas d'alerte canicule, mais aussi de "proposer à ces personnes des actions visant à lutter contre l'isolement social", une situation parfois propice à la maltraitance.

Pour aider les personnes âgées à détecter et à réagir face aux premiers signes de dépendance, des rendez-vous seront proposés dès 60 ans dans le cadre d'un "programme de dépistage précoce et de prévention de la perte d'autonomie". La proposition de loi adoptée par le Parlement entérine enfin la création, dans chaque département, d'équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques. Déjà expérimentées dans plusieurs territoires, celles-ci aident les personnes à choisir et à prendre en main leur fauteuil roulant, leur lève-personne ou leur aide auditive, ainsi qu'à aménager leur logement selon leurs besoins.

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