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"Ils sont considérés comme des gens en attente de la fin" : la mère d'une résidente témoigne sur les conditions de vie dans les Ehpad

Alors que les personnels des Ehpad manifestent jeudi après-midi devant le ministère de la Santé, deux filles de résidentes confient anonymement, par peur de représailles, leur amertume et leurs craintes.

Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un panneau de l'intersyndicale dénonçant la qualité des soins dégradée est posé sur les grilles d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), le 30 janvier 2018 (Image d'illustration). (MAXPPP)

Colette, 70 ans passés, ne donnera pas son vrai nom, ni où sa mère est prise en charge, pour dit-elle se protéger et protéger sa mère, 100 ans, confiée depuis dix ans à l’Ehpad devant lequel nous arrivons pour réaliser notre entretien. Après leur mobilisation inédite du 30 janvier, les personnels des Ehpad (établissement d'hébergements pour personnes âgées dépendantes) sont de retour dans la rue jeudi 15 mars après-midi pour dénoncer "la maltraitance institutionnelle".

Anonymat et loi du silence

Ils s'élèvent contre le manque de moyens qui sont alloués aux Ehpad, avec de graves conséquences dans la prise en charge de nos aînés. À leurs côtés se trouveront des proches de résidents, comme Colette. La veille, cette dernière confie sa crainte d’être reconnue. "Il ne faut pas que votre micro apparaisse quand on va traverser l’Ehpad", prévient-elle, dénonçant la "loi du silence".

Ce n'est pas bien vu qu'on se mette à parler de l'institution.

Colette, mère d'une résidente en Ehpad

à franceinfo

A l’intérieur de l’établissement, nous rencontrons la maman de Colette, allongée sur son lit, incapable de s’exprimer. "Elle est bourrée de morphine, soupire Colette en regardant sa mère. Et je dirais que je suis soulagée qu’elle ne puisse pas trop voir ce qui se passe autour d’elle." Selon Colette, "il n’y a jamais eu assez de personnel compte tenu de la lourdeur des handicaps. Ils ont été ramenés au fur et à mesure à deux personnes. Deux le matin, deux l’après-midi, pour 27 résidents pour les unités les plus lourdes", constate-t-elle.

On est en situation de totale insécurité pour les personnes. Elles ne sont plus des êtres humains : ce sont des gens en attente de la fin.

Colette

à franceinfo

Aux côtés de Colette, dans la chambre, se trouve Martine, 65 ans. Sa mère, 95 ans, atteinte d’Alzheimer, est elle aussi résidente de l’établissement. Elle a constaté que les temps réservés aux repas et à la toilette ont été chaque fois raccourcis. "C’est vraiment des toilettes rapides, l’essentiel, décrit Martine. Le personnel, lui, courbe l’échine. "Certaines osent parler, mais quand les familles se rebellent ou que certains personnels font savoir qu’ils sont au bord du burn-out, ils sont tout de suite mis à l’index", soupire encore Martine.

La dernière fois, j’ai retiré les chaussettes de ma maman et constaté que ses pieds n’avaient pas été lavés depuis un certain temps".

Martine, mère d'une résidente en Ehpad

à franceinfo

Les deux femmes iront, elles aussi, manifester jeudi après-midi devant le ministère de la Santé. "Plus d’argent pour nos parents", sera le slogan de Colette. "Cela doit être un parcours de vie, pas un parcours vers la mort" celui de Martine. L’entretien s’achève. Colette embrasse sa "petite maman". "Rentrez votre fil", sourit-elle, comme une dernière recommandation, en regardant notre micro qui pourrait la trahir au sortir de la chambre.

"Ils sont considérés comme des gens en attente de la fin" : la mère d'une résidente témoigne sur les conditions de vie dans les Ehpad - reportage Benjamin Illy

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