Discriminations à l'égard des personnes âgées : deux Français sur trois jugent la société "âgiste", selon un sondage

Moqueries, comportements humiliants, mises à l'écart... Les attitudes négatives visant les plus de 65 ans inquiètent les Français, à commencer par les plus jeunes, plus sensibles aux questions de discriminations.
Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
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Des résidents d'un Ehpad manifestent dans le cadre de l'opération nationale "Les vieux méritent mieux", le 24 septembre 2024 à La Crèche (Deux-Sèvres). (JA BOUTIER / LA NOUVELLE REPUBLIQUE / MAXPPP)

Notre pays manque-t-il de bienveillance à l'égard de ses aînés ? Deux Français sur trois (67%) estiment que la société "porte un regard négatif sur les personnes âgées" et fait preuve d'"âgisme" à leur égard, révèle une enquête d'opinion présentée vendredi 27 septembre au ministère des Solidarités. Un quart de la population (24%) reconnaît elle-même "se sentir âgiste" dans son regard et ses interactions avec les plus de 65 ans, âge perçu comme "le passage du côté des vieux", selon ce sondage inédit réalisé par Toluna-Harris interactive pour le Conseil de l'âge (PDF)

Les comportements âgistes les plus fréquemment observés sont les plaisanteries ou les moqueries visant les séniors (28% des sondés disent en avoir été témoin ou victime), devant les limites d'âge pour exercer certaines fonctions (25%), les paroles ou comportements humiliants (23%) et les situations d'abus de pouvoir (21%). Viennent ensuite des comportements de mise à l'écart, des gestes agressifs et des refus de prise en charge.

Les jeunes plus sensibles à ces discriminations

Fait remarquable : ce sont les sondés les plus jeunes, âgés de 18 à 34 ans, qui font le plus état de situations discriminatoires visant leurs aînés. "D'autres travaux ont déjà permis de constater que ces franges de la population sont les plus sensibles à la question des discriminations", souligne Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d'Harris interactive. 

A l'inverse, "cette sensibilité n'est pas encore très développée" chez les personnes âgées, qui "se résignent souvent à l'idée que la vieillesse s'accompagne d'une forme de dénigrement ou de maltraitance", alerte Jean-Philippe Vinquant, président du Conseil de l'âge, une instance placée sous l'autorité du Premier ministre.

Le concept même d'âgisme, qui désigne une forme de discrimination liée à l'âge, reste largement méconnu. Seul un sondé sur trois (35%) dit en avoir déjà entendu parler, et un sur dix (13%) affirme savoir ce qu'il désigne précisément. Là encore, les plus âgés sont les moins au fait de cette notion émergente, maîtrisée par 9% des plus de 70 ans, contre 19% des 25-34 ans.

Les femmes, premières affectées, mais dernières écoutées ?

Autre enseignement notable : les femmes sont plus nombreuses que les hommes à juger la société âgiste. Leur propre regard sur la vieillesse apparaît plus négatif, avec l'évocation de notions comme le déclin ou l'exclusion. "Les femmes, davantage victimes de discriminations au cours de leur vie, sont plus sensibles aux thématiques de santé et de dégradation des conditions de vie", analyse le sondeur Jean-Daniel Lévy.  "Elles vivent moins bien le vieillissement et ressentent plus durement le regard des autres sur ce phénomène", constate Jean-Philippe Vinquant.

Soucieux de souligner la "dimension genrée du sujet", le président du Conseil de l'âge rappelle que les personnes très âgées sont le plus souvent des femmes, "aidées par leurs filles" et par "des professionnelles qui sont, presque toujours, des femmes". Un désintérêt masculin qui se reflète, selon lui, jusque dans l'absence de "véritable politique publique" en faveur du secteur, qui attend depuis des années une loi ambitieuse sur le grand âge.

Le vieillissement, "une opportunité" pour la société

Derrière ce tableau d'"une France âgiste", l'enquête, dévoilée à l'approche de la Semaine bleue dédiée aux retraités et aux personnes âgées – du 30 septembre au 6 octobre –, présente aussi des résultats "plutôt rassurants". Malgré un regard parfois sombre sur la vieillesse, "les gens ont plutôt une représentation positive du vieillissement de la société", relève Jean-Philippe Vinquant. Cette évolution démographique, marquée par l'allongement de l'espérance de vie, est majoritairement perçue comme "une opportunité" pour la société, y compris sur le plan économique.

Loin d'une "guerre des générations", toutes les tranches d'âge sondées s'accordent à reconnaître l'apport important des plus de 65 ans au sein de la société et à l'égard des plus jeunes. "Il n'y a pas de profond clivage dans la société française, qui exprime ici surtout une aspiration à des politiques de lutte contre l'âgisme", conclut Jean-Daniel Lévy.

* Sondage réalisé en ligne du 17 au 20 juin 2024 auprès d'un échantillon de 2 057 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus, constitué avec la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socio-professionnelle, région et taille d'agglomération). 

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