Paris pour l'emploi : 15.000 offres pour des milliers de demandes
C'est une immense ruche installée pendant deux jours sur la place de la Concorde à Paris. Chemises repassées, coiffures impeccables
et porte-documents sous le bras, des milliers de demandeurs d'emploi arpentent
les allées du salon Paris pour l'emploi. "Je suis au chômage depuis trois
mois et ça fait plusieurs semaines que j'attends de venir ici ", assure
Magalie, sortie prendre l'air quelques minutes pour échapper à la chaleur et au
bruit du lieu. Il faut dire que le salon a de quoi allécher : les organisateurs
revendiquent 50.000 recrutements en dix ans d'existence.
Parmi les 200 recruteurs présents sur le site, quelques
stands attirent les foules. "Quand j'ai vu la liste des entreprises, j'ai
directement ciblé Coca Cola. Mais je ne suis pas le seul. Il y a bien trois
quarts d'heure d'attente juste pour déposer un CV et parler deux minutes à une
personne ", regrette William, fraîchement diplômé d'une école de commerce.
Après ce "job dating", les candidats doivent se rendre sur le site Internet de l'entreprise pour postuler officiellement. "Mais la
responsable de Coca m'a clairement dit qu'ils faisaient déjà une sélection des
CV après ce premier contact ".
Attirer l'attention du recruteur
Il faut donc taper dans l'œil du recruteur en deux minutes
chrono et chacun a son "truc". "Je crois que je peux me faire
remarquer avec mon humour ", affirme Georges, à la recherche d'un poste de
juriste depuis six mois. "Moi, on me dit toujours que j'ai une bonne tête,
j'espère que c'est vrai ", plaisante Cyril. Mais le jeune homme mise aussi
sur son CV. "J'en ai amené une trentaine. J'ai passé plusieurs heures
dessus. Il est très court parce que sur un salon comme ça, personne ne va se
prendre la tête à lire un CV de quatre pages ". Christine aussi a ciselé
son CV de secrétaire de direction :"j'ai mis du bleu un peu partout parce
que c'est une couleur à la fois dynamique et chaleureuse. Deux choses que
j'aimerais montrer ". Et pour bien faire passer le message, elle a choisi
un tailleur de la même couleur.
Du commercial au chef d'équipe en passant par l'aide à
domicile ou au chauffeur, la palette des postes proposés est large. Mais ce
sont les postes les moins qualifiés qui semblent partir les premiers.
"J'ai presque failli proposer un CDI il y a une minute à un jeune homme
qui n'a qu'une petite formation de mécanique mais qui a le relationnel , explique
Aude, DRH d'une société de dépannage de flexibles hydrauliques, On ne
cherche pas des bac +10 aujourd'hui et malheureusement on a du mal à trouver ".
D'autres recruteurs regrettent aussi cette inadéquation entre les offres et les
candidats. "Sur 300 CV, on en garde une trentaine. Et pour certains, c'est
un peu par politesse. Avec la conjoncture, on ne peut pas se permettre
d'embaucher à tour de bras ", soupire Grégory, représentant d'une société
d'ingénierie informatique.
"Pas d'offres en alternance, merci "
Pour gagner du temps, plusieurs entreprises affichent
clairement la couleur : "Nous ne recherchons pas de candidats en
alternance ". "Cette année, deux tiers des gens cherchent de
l'alternance. Le gouvernement met beaucoup l'accent sur ce genre de contrats
aidés en ce moment. Mais on cherche plutôt des personnes capables de travailler
tout de suite ", poursuit Grégory.
En attendant, c'est la course pour les dizaines
de jeunes qui n'attendent plus que l'accord d'une entreprise pour entamer leur
formation. "Cela fait maintenant six mois que je cherche mais aucune
entreprise ne veut assumer le coût de mon alternance. Je n'ai plus que jusqu'au
1 er novembre pour trouver quelque chose, sinon je n'aurai pas ma
formation ", s'inquiète Nestor, 19 ans.
"Il y a clairement un resserrement
du côté des entreprises, reconnaît Antoine Pubert, en charge des relations avec les
entreprises dans un centre de formation en alternance, les entreprises sont
frileuses à mobiliser un tuteur dans leurs effectifs pour former un jeune
qu'elles ne sont pas sûres d'embaucher ". De fait, d'après les derniers
chiffres de la Dares, si les contrats de professionnalisation se maintiennent
au premier semestre 2013, l'apprentissage
a chuté de 23% sur un an.
Les emplois d'avenir montent (lentement) en puissance
La solution pour les jeunes chômeurs peu ou pas qualifiés de
16 à 25 ans ? Les emplois d'avenir. Dans les travées, des dizaines d'affiches
vantent les mérites de ces contrats subventionnés lancés par le gouvernement en
novembre 2012. Lydia a "un peu honte de le dire " mais elle n'a
"aucune idée de ce que c'est ".
Pourtant, "après plusieurs mois
difficiles, la formule commence vraiment à marcher ", estime Morgane
Sauriau de la Mission locale de Paris. Jusqu'à vendredi, 300 contrats d'avenir
sont pourtant proposés dont une immense majorité dans des collectivités locales
et des associations. Le secteur marchand, lui, commence doucement à s'y mettre. "L'avantage pour nous, c'est de pouvoir former des
jeunes éloignés de l'emploi pendant trois ans avant de les embaucher en CDI.
Cela nous permet de sécuriser nos besoins ", affirme Julie Levitte,
manageur chez Carrefour qui s'est engagé à signer 1.000 contrats d'avenir pour
2014.
Mais dans les petites entreprises, l'engagement est encore limité.
"C'est un contrat qui abouti vers un CDI dont il faut évaluer la situation
à trois ans. Et puis, ce n'est pas évident de savoir comment vont s'intégrer
ces jeunes dont certains ont des contraintes sociales ", tempère Guillaume
Semeria Soucail, recruteur pour une société de restauration d'entreprises.
A la sortie des tentes, sur la place de la Concorde, Christine
semble un peu dépitée. "J'ai eu quelques contacts mais rien de bien précis
et j'ai distribué tous mes CV. Je reviendrai demain. "
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.