Paris : les sans-logis réinvestissent la rue de la Banque
Un immeuble inoccupé, squatté par l'association Droit au logement (DAL) depuis trois ans - le DAL y a installé ses bureaux. La rue de la Banque (Paris, IIe), à deux pas de la Bourse de Paris, est devenue le symbole du combat des sans-logis.
_ Il y a un mois tout juste, l'association a dû y installer plusieurs familles auxquelles plus aucune solution d'hébergement n'était proposée par les pouvoirs publics. Des familles, pour la plupart avec des enfants, baguenaudées de logements insalubres en hébergements d'urgence pour quelques jours et, au final, jetées à la rue.
C'est le cas de Chouchua, 39 ans. Mise à la porte par son mari puis par sa propre sœur, cela fait plus de deux ans qu'elle galère avec ses deux fillettes. Recueillie par les militants du DAL, elle est arrivée rue de la Banque le 16 juillet.
La nuit dernière, elle a dormi dans l'immeuble, sur un matelas posé à même le sol. Mais samedi dernier, elle était dans la rue, sous une simple bâche, quand la police est intervenue pour déloger ces sans-logis. "On était sous la bâche, il pleuvait. Ils ont soulevé la bâche et ils nous ont envoyé des gaz lacrymogènes. Comme à des animaux", sanglotte Chouchua.
De son côté, la préfecture de police dément avoir fait usage de gaz lacrymogènes. Une plainte a pourtant été déposée par le DAL auprès de l'IGS, la police des polices.
Au fil des semaines, les galériens de la rue de la Banque sont de plus en plus nombreux. Jetés du square Boucicaut (Paris, VIIe) où ils avaient le droit de passer la journée mais pas la nuit, des dizaines de sans-logis ont de nouveau fait face aux forces de l'ordre la nuit dernière, au pied de l'immeuble du DAL.
_ Pas de brutalités policères cette fois, mais pas le droit non plus d'installer un matelas. Tout juste un bout de tissus pour ne pas dormir à même le macadam.
Pourtant, tous ces sans-logis sont en situation régulière. Ils ont des papiers, la plupart un travail et l'Etat ne rechigne pas à percevoir leurs impôts.
_ Reconnus prioritaires au titre du Droit au logement opposable (DALO), on ne leur a pourtant jamais proposé de logement. Certains attendent depuis que la loi existe, en 2008, et que le tribunal administratif, statuant sur leur dossier, a condamné les pouvoirs publics. "Je travaille et je suis capable de payer le loyer. Je veux un logement à moi avant la rentrée, parce que je vais reprendre le travail et mes enfants vont aller à l'école", supplie Chouchua.
"Depuis le 16 juillet, on demande à être reçus par Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au Logement. Mais depuis le 16 juillet, il ne nous répond pas. Aucun signe de sa part", assure Marie Huiban, militante au DAL.
_ "Mensonge", rétorque l'intéressé. Benoist Apparu nous affirme que les représentants du DAL ont été reçus par son cabinet à trois reprises en un mois, sur ce dossier de la rue de la Banque, et qu'il tient les dates à notre disposition. Mais le ministre concède que certaines demandes des militants sont irrecevables, comme celle de procéder à des réquisitions de logements vacants.
Pour toutes ces familles, il y aura une solution, un jour : "Nous avons financé en 2010 la construction de 130.000 logements sociaux", déclare Benoist Apparu, "contre 55.000 l'année précédente". Mais entre le financement d'un logement et son attribution à une famille, il peut s'écouler quatre à cinq années.
"En 2010, un millier de familles 'DALO prioritaires' ont été relogées en Ile-de-France. Contre 250 en 2008. Mais il faudrait pouvoir en reloger 1.600 ou 1.700 par mois", ajoute-t-il. Soit vingt fois plus.
"On demande aux politiques de régler une question de société, cela prend du temps", explique Benoist Apparu. "Mais quand vous faites deux reportages sur des familles dont les enfants ont dormi dans la rue, je suis perdant à tous les coups", analyse le ministre.
Reportage : Gilles Halais
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