Trois questions sur Hinkley Point, le projet nucléaire contesté d'EDF
Francetv info revient sur ce projet alors qu'un administrateur d'EDF a démissionné, jeudi, et que le conseil d'administration a voté en faveur du dossier.
Le conseil d'administration d'EDF a voté en faveur du projet nucléaire d'Hinkley Point, jeudi 28 juillet, alors que l'un de ses administrateurs avait présenté sa démission quelques heures auparavant. Ce dernier dit être en désaccord avec la stratégie du groupe. Francetv info revient sur ce chantier controversé estimé à 18 milliards de livres (soit 21,5 milliards d'euros).
En quoi consiste ce projet ?
EDF a décroché, en octobre 2013, la construction de deux réacteurs nucléaires EPR. Mais le projet s'inscrit dans une stratégie plus longue. "Quand EDF a racheté British Energy en 2009, c'était avec l'objectif d'y construire de nouveaux réacteurs pour remplacer une partie du parc britannique (15 réacteurs exploités par EDF Energy)", explique Les Echos. Le projet d'Hinkley Point "doit permettre à EDF de faire le pont, industriellement, avec le renouvellement du parc nucléaire d'EDF en France", poursuit le quotidien économique.
Les deux EPR couvriraient jusqu'à 7% de la demande nationale d'électricité. EDF prévoit "la date de première mise en route" pour 2015.
Pourquoi ça coince ?
Le risque est surtout financier. D'après six administrateurs salariés opposés au projet, son coût pourrait menacer la viabilité du groupe, qui est détenu à près de 58% par l'Etat français.
Après le retrait d'Areva, qui devait participer au projet, EDF a été contraint de prendre une participation majoritaire (66,5%) dans le projet, ce qui l'obligerait à consolider le gigantesque investissement dans ses comptes.
Des dépenses à venir qui tombent mal car l'endettement du groupe s'élevait déjà à 37,4 milliards d'euros fin 2015 et qu'EDF est déjà confronté à de nombreux investissements, dont la rénovation du parc nucléaire français.
Pour rassurer, EDF a annoncé une série de mesures qui visent à renforcer sa situation financière, dont un projet d'augmentation de capital d'environ 4 milliards d'euros (dont 3 milliards apportés par l'Etat). Mais sa situation financière est trouble. L'Autorité des marchés financiers enquête sur les informations financières communiquées par EDF aux investisseurs depuis juillet 2013, notamment sur Hinkley Point. Bref, les finances du groupe sont en grande difficulté avec ce projet. C'est d'ailleurs pour cette raison que le directeur financier d'EDF, Thomas Piquemal, a démissionné en mars.
Est-ce vraiment faisable ?
Au sein du groupe, certains tentent de freiner le projet. Les syndicats CGT, FO et CFE-CGC réclament un report de deux ou trois ans. De son côté, le comité central d'entreprise d'EDF a engagé deux procédures judiciaires : l'une pour obtenir des informations supplémentaires sur le projet et pouvoir rendre "valablement" un avis, l'autre pour faire suspendre "tous les effets des délibérations" du conseil.
Il existe également un problème technique. EDF parle de six ans de travaux. Une estimation peu probable quand l'EPR de Flamanville, lancé en 2007, n'est toujours pas terminé. En mars, le Financial Time (en anglais), a eu connaissance d'une lettre d'ingénieurs d'EDF. Selon eux, le projet de "Hinkley Point est tellement complexe et non éprouvé que la société devrait annoncer une date d'achèvement plus tardive que l'objectif de 2025", écrit le quotidien financier. Ils estiment qu'"une date réaliste de mise en service est 2027".
Mais le gouvernement français ne veut rien entendre. "Aujourd'hui, juridiquement, la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne n'entraîne pas de conséquence sur Hinkley Point", a déclaré le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, fin juin. Et d'insister : "Nous avons des traités bilatéraux, et des engagements bilatéraux avec la Grande-Bretagne. C'est le cas de certains accords de défense (...) c'est le cas de certains accords qui touchent les sujets d'immigration (...) et c'est le cas d'accords industriels comme Hinkley Point."
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