Fessenheim : comment sera remplacée l'énergie produite par la centrale nucléaire, dont le dernier réacteur vient d'être arrêté ?
La centrale nucléaire alsacienne a définitivement cessé sa production lundi. Réseau de transport d’électricité indique que plusieurs solutions sont en place pour compenser cet arrêt.
Les salariés ont eu un pincement au coeur. Le premier réacteur de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) avait été stoppé le 22 février. Le second a été arrêté lundi 29 juin à 23 heures, signant la fin de la production après quarante-trois ans de service.
Chaque année, les deux réacteurs à eau pressurisée produisaient en moyenne 11 milliards de kilowattheure (kWh), soit 70% de la consommation d'électricité d'une région comme l'Alsace. Comment sera remplacée l'énergie produite par la centrale alsacienne ? Franceinfo vous apporte quelques éléments de réponse.
1.La production de la région est excédentaire
"On a eu le temps de se préparer !", plaisante-t-on chez Réseau de transport d’électricité (RTE). "La fermeture a été décidée en 2012 [par le président de la République, François Hollande], on est en 2020 !" D'une certaine manière, le fait de devoir compenser les arrêts est une habitude prise depuis longtemps puisqu'une centrale s'interrompt "tous les 12 à 18 mois, de 30 jours jusqu'à 4 ou 6 mois" pour contrôle, maintenance et révision.
La fermeture de Fessenheim ne pose pas donc de problème, estime RTE, en s'appuyant sur deux arguments. D'une part, la production d'électricité, en France, est supérieure à sa consommation. D'autre part, la région Grand Est, où se trouve la centrale du Haut-Rhin, produit "deux fois ce qu'elle consomme"
"Une fois fermée Fessenheim, qui avait une capacité de production de 1 800 MW (900 MW par réacteur), il reste encore en activité dans la région quatre centrales thermiques (au charbon et au gaz), trois centrales nucléaires (celles de Chooz dotée de 2 réacteurs de 1 450 MW chacun, de Cattenom, avec ses quatre réacteurs de 1 300 mégawatts chacun, et de Nogent-sur-Seine, avec deux unités de production de 1 300 MW chacune). Sans compter l'hydraulique, l'éolien et le solaire, et la possibilité enfin, d'importer l'électricité d'Allemagne et de Belgique", énumère RTE.
2.A l'horizon 2025, les énergies renouvelables et Flamanville devraient compenser
Un autre facteur est à prendre en compte, expose-t-on chez RTE : de nouvelles capacités de production d'ici cinq ans, avec "la montée des énergies renouvelables à l’horizon 2025. Elles représenteront alors 30% de la production, contre 20% en 2019, avec le triplement du parc photovoltaïque, et l'augmentation de l'éolien terrestre et maritime. Il faut y ajouter l'ouverture en 2021 de la centrale à gaz de Landivisiau [qui dépend du groupe Total], avec une capacité de production de 450 MW, et surtout l'EPR de Flamanville. Le tout fera plus que compenser la disparition des 4 centrales à charbon et la diminution du parc nucléaire, dont Fessenheim".
Après bien des ratés et avec plus de dix ans de retard sur la date initialement prévue, l'EPR de Flamanville, dans la Manche, devrait en effet "charger le combustible en 2022", précise-t-on chez EDF. S'il n'y a pas de nouveaux déboires, le site entrera ainsi en production début 2023, avec une capacité de 1600 MW.
Chez l'électricien français, on souligne au passage que la fermeture de Fessenheim signifie une réduction de la production, en France, de l'énergie nucléaire, donc d'une énergie peu carbonée et pilotable (disponible à la demande, ce qui n'est pas le cas des énergies dépendant du vent et du soleil). Dès lors, la question, note-t-on, n'est pas tant de savoir si l'énergie sera compensée ("ce n'est pas un problème"), mais si elle sera compensée par une énergie tout aussi peu carbonée.
3.Les pics de consommation de l'hiver 2020-2021 sont néanmoins redoutés
Ainsi, tout va bien ? Pas totalement. Si l'arrêt de la centrale de Fessenheim était prévu et anticipé, la crise sanitaire, elle, ne l'était pas. L'épidémie de coronavirus et le confinement ont contraint EDF à reporter à l'automne les arrêts de tranche prévus au printemps pour certaines centrales nucléaires. Avec ce planning de maintenance perturbé, l'entreprise a même annoncé en avril que la production française d'électricité d'origine nucléaire devrait s'établir en 2020 à son plus bas niveau depuis trente ans.
Par conséquent, la question se pose : y aura-t-il assez d'électricité cet hiver ? "La sécurité d'approvisionnement est assuré pour les températures normales. Mais une plus grande vigilance s'imposerait si la température devait être de 3 à 7 degrés inférieure aux normales de saison sur une grande partie du territoire", estime-t-on chez RTE.
De leur côté, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, et le président de RTE, François Brottes, ont assuré lors d'une conférence de presse, le 11 juin, qu'il n'y aurait pas de risque de black-out en France l'hiver prochain. Pas de coupure généralisée, traduit-on chez RTE, mais un "appel aux éco-gestes, et aux reports des usages non indispensables aux heures de pointe". En clair, si le fait d'éteindre la lumière ne suffit pas, votre facture d'électricité et vos fournisseurs d'énergie sauront vous convaincre de ne pas lancer votre machine à 7 heures du soir, au moment de la demande maximale.
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