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Fermeture de Fessenheim en 2020 : comment démantèle-t-on une centrale nucléaire ?

Les réacteurs de la doyenne des centrales nucléaires de France seront définitivement arrêtés en 2020, mais le processus de démantèlement durera plusieurs décennies.

Article rédigé par franceinfo
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La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin), le 27 février 2018. (VIOLETTA KUHN / DPA-ZENTRALBILD / AFP)

C'est officiel. La plus ancienne centrale nucléaire de France vit ses derniers mois d'activité. EDF a confirmé dans un communiqué, lundi 30 septembre, que la fermeture définitive de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) interviendrait en 2020. Le premier réacteur sera arrêté le 22& février et le second cessera de fonctionner le 30 juin. Mais au fait, comment ferme-t-on une centrale nucléaire ? Explications.

EDF dépose une demande de démantèlement

EDF, qui exploite la centrale, doit déposer un dossier de demande de démantèlement auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il ne s'agit pas de quelques feuilles vite expédiées. "D'expérience, l'exploitant a besoin de deux ou trois ans pour préparer un dossier sérieux", avait expliqué en mars 2016 le président de l'ASN Pierre-Franck Chevet, lors d'une audition à l'Assemblée nationale. Ce dossier "présente notamment l’analyse des risques associés aux opérations de démantèlement", explique l'ASN.

L'Autorité de sûreté nucléaire confirme à franceinfo avoir bien reçu "la déclaration d’arrêt définitif des réacteurs de Fessenheim et le plan de démantèlement". En revanche, "le dossier de demande de démantèlement n'est pas encore transmis à l'ASN", précise l'Autorité. L'exploitant dispose de deux ans, à partir de la déclaration d'arrêt définitif, pour le transmettre.

Une fois qu'elle a reçu ce dossier, l'ASN peut réclamer d'éventuelles pièces manquantes. Elle va aussi saisir l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pour "évaluer les dispositions de sûreté proposées par l'exploitant". Puis elle informe l'exploitant "de ses conclusions en lui faisant part, le cas échéant, des demandes à prendre en compte", précise l'institution dans son guide intitulé "Arrêt définitif, démantèlement et déclassement des installations nucléaires de base".

Un décret de démantèlement est publié

Le démantèlement d'une centrale est ensuite prescrit par décret. Ce texte fixe les principales étapes, la date de fin prévue et l'état final à atteindre. Il détaille un processus précis, qui peut durer plusieurs décennies, des "travaux préparatoires" à la "démolition des bâtiments". Le décret prévoit aussi le devenir des substances radioactives ou toxiques et les modalités pour éviter leur dispersion dans la nature.

Lundi 30 septembre 2019, EDF a annoncé avoir adressé au ministre de la Transition écologique et à l'ASN "la déclaration de mise à l'arrêt définitif des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim, prévoyant un arrêt du réacteur n° 1 le 22 février 2020 et du réacteur n° 2 le 30 juin de la même année". EDF ne sera plus autorisée à faire fonctionner ses installations à compter de ces dates.

Les substances dangereuses sont évacuées

Après l'arrêt de l'exploitation, la première étape consiste à préparer le démantèlement, en évacuant les substances dangereuses et radioactives. Le combustible nucléaire est évacué et toutes les parties non nucléaires, comme la salle des machines, sont démontées. "D'une durée totale de cinq ans, cette première étape doit permettre le retrait total du combustible au bout de trois ans", expliquent Les Echos.

"Les combustibles sont déchargés, les circuits vidangés, 99,9% de la radioactivité présente est normalement éliminée", selon cette vidéo de l'AFP mise en ligne sur YouTube. "Les installations sont mises hors service, mais restent en l'état, et sont placées sous surveillance pendant une certaine durée".

Les équipements sont démontés

Le démantèlement à proprement parler intervient dans une deuxième temps. Pendant cette phase, qui s'étale sur 10 à 15 ans, sont démontés l'ensemble des équipements en contact avec les substances radioactives. "Ce démantèlement doit être fait avec précaution, en procédant au nettoyage, à la découpe et au traitement approprié des déchets", souligne la vidéo de l'AFP.

A Fessenheim, les bâtiments abritant les deux réacteurs de 900 MW resteront confinés et surveillés, avant d'être démontés en dernier. C'est l'opération la plus délicate, car "il faut rompre le confinement du réacteur en prenant soin de ne pas contaminer l'environnement et le personnel". La cuve du réacteur, très irradiante, sera découpée par des robots télécommandés à distance. 

A l'arrivée, combien de déchets radioactifs sont produits par cette opération de démantèlement ? "Pour un réacteur à eau pressurisée [comme à Fessenheim] de 900 MWe, les déchets radioactifs bruts sont évalués par EDF entre 7 000 et 8 000 tonnes pour une masse totale de structures et matériels d'environ 320 000 tonnes", écrit l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

L'assainissement achève le démantèlement

La phase d'assainissement vient clore le dispositif. Il peut y avoir eu des contaminations des surfaces par des fuites de liquide pendant l'exploitation, et il faut aller gratter les murs pour enlever une éventuelle radioactivité. Cette phase dure environ cinq ans. A l'arrivée, il faudra donc au minimum deux décennies, selon Les Echos, "pour rendre à nouveau le site 'praticable' pour toute autre activité, officialisée par le déclassement du site". Et peut-être bien davantage. Pour l'instant, il n'existe pas de référence : aucune centrale n'a jamais été démantelée en France.

Que deviendront les déchets ? Ils sont "ensuite évacués bruts, partiellement traités (décontaminés, découpés, compactés…) ou prêts à être stockés"explique l'IRSN. Ils peuvent ensuite être transférés dans une autre installation d'EDF ou confiés à "un opérateur spécialisé", en France ou à l'étranger. Enfin, dans un dernier temps, ils sont "évacués vers les centres de stockage en surface exploités par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs" (Andra).

Pour les déchets à vie longue, "il n'existe pas encore de solution opérationnelle", souligne l'IRSN. Le stockage "réversible en couche géologique profonde d'argile" est l'option retenue depuis une loi votée en 2006 et confirmée en 2016. Il s'agit d'enfouir une installation à 500 mètres de profondeur, dans une couche d'argile Il a été "évalué dans le cadre du projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) à Bure (Meuse/Haute-Marne)". Un projet d'enfouissement vivement contesté par les antinucléaires.

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