Incarcération d'un opposant au mariage pour tous : ses soutiens crient à "l'injustice"
Environ 600 personnes se sont rassemblées, dimanche soir à Paris, pour soutenir Nicolas, condamné à deux mois de prison ferme. Reportage.
Sous l'averse, une foule de parapluies se presse devant deux grandes banderoles : "Libérez Nicolas", le "prisonnier politique". Environ 600 personnes, selon la police, sont rassemblées à Paris, sur l'île de la Cité. La place Dauphine est verrouillée par les CRS. Il est 19h30, dimanche 23 juin. C'est le début de la manifestation de soutien à Nicolas, l'opposant au mariage des homosexuels, condamné à deux mois de prison ferme et incarcéré depuis cinq jours.
"Est-ce grave si on en fait un héros ?"
Nicolas a été condamné à quatre mois de prison, dont deux avec sursis, pour rébellion et fourniture d'une identité imaginaire, et à une amende de 1 000 euros pour refus de prélèvement de son ADN et de ses empreintes. Pour certains spécialistes des affaires judiciaires interrogés par francetv info, cette peine n'a rien d'exceptionnel. Mais pour Christine comme beaucoup d'autres, "c'est un emprisonnement politique". "Les libertés sont gravement atteintes", assure cette "bonne grand-mère mais qui travaille encore", venue de Courbevoie (Hauts-de-Seine).
"De toutes les manifs, depuis la toute première", Christine brandit une citation de Montesquieu : "Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous". "Nicolas, ça peut être chacun de nous, parce que nous avons les mêmes convictions", lance d'ailleurs un homme au micro. Alors "est-ce grave si on en fait un héros ?" s'interroge-t-elle, en écho aux parents de Nicolas qui ont appelé à ne pas faire de leur fils "un héros, encore moins un martyr". Le médiatique Robert Ménard, ex-secrétaire général de Reporters sans frontières, prend la parole. Il est "scandalisé, bouleversé" par le cas de Nicolas. Les manifestants sont tout ouïe et applaudissent.
"Les motifs d'inculpation ne sont pas justes"
Mathilde a "presque 23 ans, l'âge de Nicolas" et se met "à sa place". "Son été est ruiné, parce qu'il est allé défendre ses opinions". En master de droit des affaires, elle juge que "les motifs d'inculpation ne sont pas valables, pas justes". Selon elle, Nicolas a été, "repéré", "arrêté arbitrairement", pour "faire un exemple". "J'ai un espoir fou, confie-t-elle. Je prie pour qu'il soit libéré. Il faut se bouger."
A ses côtés, Jean, 19 ans. "Mettez Jordan, ça fait moins stéréotype", plaisante-t-il. Il renchérit : "C'est grave, très grave", trouve la peine "disproportionnée" et estime que la justice a voulu "condamner une idée". D'ailleurs, "ça ne [l]'étonnerait pas de voir des gens du Front de gauche venir le soutenir", au nom de la défense des libertés fondamentales. Mais c'est un autre front, le FN, qui fait acte de présence. La députée Marion Maréchal-Le Pen, qui se perd un peu dans ses notes, "appelle à l'insoumission".
"Il y a deux poids, deux mesures"
Thomas, 21 ans, se sent proche de Nicolas. Il raconte avoir été arrêté pour entrave à la circulation en marge d'une manifestation, début mai. Lui a écopé d'un rappel a la loi. Il a un pin's du syndicat étudiant de droite Uni au revers de la veste, un drapeau tricolore à la main et des lunettes rondes. Pour lui, "Nicolas a été contrôlé pour simple port du sweat La Manif pour tous. Comme si c'était hors la loi de porter des signes distinctifs". Il n'en doute pas : "Il y a deux poids, deux mesures".
Son ami Geoffroy, grand gaillard de 25 ans à la barbe rare et à l'embonpoint léger, acquiesce : "Si tous les cas judiciaires étaient traités de la même manière, ça irait." Et de citer les jeunes qui ont attaqué le RER D à Grigny (Essonne), en mars, ou ceux qui ont affronté la police et vandalisé des magasins, en marge du sacre du PSG, en mai. "On se demande si il y'a pas une police de la pensée. Et dire qu'on se targue d'être le pays des droits de l'homme."
"Ils ont réussi à nous motiver encore plus"
Geoffroy déplore la stigmatisation dont il se dit victime : "On nous insulte, on nous taxe d'homophobe, de fasciste. Ça me rappelle des heures sombres où on s'en prenait à ceux qui devaient porter une étoile jaune." Avec Nicolas, "ils ont voulu faire un exemple, ils ont créé une icône", analyse-t-il. Et il prévient : "Ils ont réussi à nous motiver encore plus". La foule reprend Le Chant des déportés, qui était entonné par les prisonniers lors de la seconde guerre mondiale, dans les camps de concentration nazis.
Agnès, imperméable bleu ciel sur le dos, promet de continuer à manifester "jusqu'à ce qu'il soit libéré". Elle tend des feutres aux manifestants pour qu'ils écrivent des messages de soutien sur un rouleau de papier. Ils seront transmis à à Nicolas, détenu à Fleury-Mérogis, par l'intermédiaire de son avocat. Pêle-mêle : "On est tous avec toi", "Ce n'est qu'une question de temps", "Force et honneur".
"L'entrée en résistance"
Elle est "entrée en résistance dès le 6 mai" 2012 et l'élection de François Hollande. "On est là pour dire ce qu'on pense. Et il n'y pas pas de raison qu'on soit arrêté pour ça. Surtout quand on est là pacifiquement", assure-t-elle. "Je ne comprends plus ce pays", se lamente-t-elle. "Jusque-là, j'étais fière d'être française. Je le suis toujours. Mais je ne me reconnais plus dans cette France-là." Torses nus malgré le temps frisquet et masques blancs sur le visage, les activistes des Hommen lancent : "dictature socialiste !", "résistance !". Ils invectivent François Hollande et promettent : "Nous ne lâcherons jamais."
Entre deux Marianne bâillonnée, l'ex-ministre Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate, s'est aussi musellée symboliquement avec son écharpe. Il est 21h30. La foule lâche des ballons blancs dans le ciel, symboles de liberté. Le micro lance "Vive la France, vive Nicolas !" et appelle à la dispersion "dans le calme". Les manifestants quittent la place Dauphine au son des binious bretons. Certains empruntent les quais de Seine par grappes en direction des Invalides. Les Veilleurs doivent y prendre le relais en chantant et en priant.
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