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Lourdes, Disneyland de la piété

Depuis les apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous en 1848, Lourdes (Hautes-Pyrénées) est devenue un gigantesque et juteux marché des souvenirs religieux, sous l’œil bienveillant de l’Eglise qui n’est pas la dernière à croquer sa part du gâteau…
Article rédigé par franceinfo
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A Lourdes, seul le tiroir caisse fend le silence du recueillement.
_ Avec plus de 300 hôtels et 40.000 lits, cette paisible bourgade de 15.000 habitants plantée au pied des Pyrénées affiche son titre de deuxième ville hôtelière de France, juste derrière Paris. Chaque année, cinq à six millions de fidèles se lancent sur les traces de Sainte Bernadette.

Sans doute près de 10 millions cette année. Car 2008 cumule visite papale -la première de Benoit XVI en France- et 150ème anniversaire des apparitions. Un chemin du jubilé a même été tracé : il s’agit d’un marquage bleu au sol qui guide les pèlerins à travers les lieux où Bernadette a vécu les moments forts de sa vie.

Le petit trait bleu n’oublie pas de faire passer les pieux touristes par le faubourg de la Grotte -véritable "Main street" du produit dérivé catho- qui débouche, non-pas sur le Château de la Belle-au-Bois-Dormant, mais sur la Basilique Notre-Dame du Rosaire, et la grotte miraculeuse. Sur trois rues (faubourg de la Grotte, rue de la Grotte et avenue Bernadette Soubirous), quelque 200 temples du colifichet divin se livrent une concurrence sans merci.

A tel point qu’il a fallu instaurer un sens de circulation alternée, tous les 15 jours, entre le faubourg de la Grotte et la rue de la Grotte. Car la montée des voitures vers les parkings des sanctuaires a une incidence fâcheuse sur le chiffre d’affaires des boutiques de la foi. La mairie a également tracé au sol une ligne blanche sur les trottoirs : interdiction formelle de faire du déballage au-delà de la ligne, sous peine d’amende.

Vierge aux yeux bridés, made in China

Dans ces bric-à-brac de la piété, on trouve de tout. Et parfois n’importe quoi. Médailles, chapelets, missels, boules de neige emprisonnant Marie, briquets à l’effigie de Bernadette, pendentif d’où surgit la Vierge quand on appuie sur un bouton… On a échappé de peu à la Vierge aux yeux bridés, made in China. Et à la papamobile miniature. Mais pour combien de temps encore ? Car les fournisseurs -italiens pour la plupart- rivalisent d’ingéniosité et de créativité pour que le chaland ouvre son porte-monnaie.

Les best-sellers restent la petite Vierge en plastique creux et le fameux bidon que l’on peut ensuite aller remplir d’eau miraculeuse -gratuite, elle- à la source de la Grotte. A 1,20 euro la Vierge et deux euros le bidon, l’absolution est à la portée de toutes les bourses. Pas d’inquiétude, on se rattrape sur la quantité : il s’en vend des dizaines de millions chaque année. Le marché du pèlerinage pèse plus de 700 millions d’euros chaque année, soit 50.000 euros par habitant.

Et à ce petit jeu, l’Eglise -qui n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet à notre micro- ne laisse pas sa part du gâteau. De gigantesques distributeurs de cierges et de médaillons Benoit XVI ont été installés au pied de la Grotte. On y écoule chaque jour des tonnes et des tonnes de paraffine. Sur l’écriteau, il est écrit : "Offrande conseillée : 5,50 euros".

Gilles Halais

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