Les gens du voyage victimes de "discriminations systémiques" : "Cela ne va pas en s'améliorant", déplore la Défenseure des droits
Claire Hédon dénonce sur franceinfo "des atteintes au droit dans tous les domaines de la vie quotidienne", que ce soit le logement, l'éducation ou l'accès à la santé.
Les gens du voyage sont victimes de "discriminations systémiques", alerte la Défenseure des Droits (DDD), Claire Hédon dans un rapport publié mercredi 6 octobre, qui formule une série de 17 recommandations pour lutter contre des discriminations "permanentes" en matière de logement, d'accès à l'éducation ou à la santé.
franceinfo : Pourquoi parlez-vous de discriminations systémiques ?
Claire Hédon : Nous avons affaire à des atteintes au droit dans tous les domaines de la vie quotidienne. Le logement, l'éducation, l'accès à la santé et c'est ça qui nous fait dire que ces discriminations finissent par faire système. Elles marginalisent des groupes de personnes, accentuent les inégalités et renforcent des stéréotypes qui existent déjà dans la population. Ce qui nous frappe c'est que ce non-respect des droits fondamentaux et des libertés des gens du voyage concerne l'ensemble de nos missions dans l'institution du défenseur des droits.
Est-ce que la situation se dégrade ?
Cela ne va pas en s'améliorant. La question la plus saillante est celle des problèmes de logement. Le manque d'aires d'accueil, la caravane qui n'est pas reconnue comme logement. Cela entraîne de multiples discriminations.
"Le fait que la caravane ne soit pas reconnue comme un logement, cela veut dire des problèmes d'accès au crédit, à l'assurance, cela veut dire pas d'accès à l'aide au logement."
Claire Hédon, Défenseure des droitsà franceinfo
Je trouve que cela montre de façon assez évidente l'interdépendance des droits et qu'une atteinte au droit au logement provoque derrière des atteintes à d'autres droits comme le droit à l'éducation, l'accès aux soins.
Est-ce que l'on peut dire que cela revient à ne pas reconnaître le mode de vie des gens du voyage ?
Oui, ce qui est important c'est reconnaître leur mode de vie et donc le respecter. Avec la caravane non reconnue comme logement cela empêche leur mode de vie. Il n'y a qu'un quart des départements qui ont rempli totalement leur obligation sur le nombre d'aires d'accueil. Là-dessus on fait plusieurs recommandations très concrètes, la mise en œuvre du pouvoir de substitution du préfet en cas de non-respect par une commune de ses obligations de création d'aires d'accueil. Il y a aussi la qualité de ces aires d'accueil. La Direction interministérielle sur les questions de logement est en train de faire une étude quantitative et qualitative sur ces aires d'accueil. Ce qui est important c'est qu'elle soit menée avec les gens du voyage, les associations, parce que ce sont eux qui vivent sur ces terrains et qui ont des choses à dire. Ce que nous constatons c'est qu'un certain nombre de ces aires d'accueil sont dans des lieux où ils sont victimes de nuisances, que ce soit des pollutions sonores, près de sites sensibles, près d'abattoirs, loin des services publics. Il serait assez simple de demander une modification d'un des articles du Code de l'environnement qui permettrait que les règles de distance entre une installation classée et une zone d'habitation soit étendue aux zones d'accueil.
Que répondez-vous à ceux qui craignent des nuisances en accueillant les gens du voyage ?
Cela prouve bien qu'il y a des stéréotypes et de l'antitsiganisme dans notre société. S'il y a de telles atteintes au droit et s'il y a de la discrimination c'est aussi lié au regard qu'on a sur ces communautés. Leur donner des conditions où ils ne sont pas discriminés et où ils ont accès à leurs droits favorise l'insertion et diminue les difficultés. L'Etat a une obligation et elle n'est, de fait, pas appliquée et dans des choses qui sont capitales. Il y a des problèmes d'accès à l'eau potable, à l'électricité. On est dans des choses qui sont très basiques et qui ne sont pas appliquées. C'est ça qui génère l'installation des gens du voyage sur ce qu'on appelle des lieux illicites parce qu'ils n'ont pas suffisamment de lieux d'accueil. Je voudrais alerter sur l'éducation parce que je suis vraiment inquiète des données relatives au décrochage scolaire des gens du voyage. On est saisi régulièrement pour des refus de scolarisation. Ce qui me frappe que vous avez 84% des gens du voyage âgés de 18 à 24 ans qui quittent le système scolaire avant ou juste après le collège contre 9% dans la population globale. Un cinquième des enfants du voyage de 6 à 15 ans ne fréquentent pas l'école. C'est énorme.
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