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Le café La Belle Equipe veut retrouver la vie après les attentats

Comment recommencer à vivre quand on a été directement touché par les attentats de vendredi dernier? La question se pose pour un groupe de serveurs de trois bistrots parisiens. Ils fêtaient un anniversaire vendredi soir à la terrasse de La Belle Equipe. Beaucoup figurent parmi les 19 victimes du site. La plupart des autres ont repris le travail, après s'être réunis autour d'un psy.
Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (La devanture de la Belle Equipe, un des bistrots touchés par les attentats de vendredi. © Maxppp)

Sur la vingtaine de serveurs, cuistots, managers réunis à l'étage de ce bistrot parisiens, tous ou presque connaissaient Oda, Djamila, Romain et les autres, tombés sous les balles vendredi soir à La Belle Equipe. Baptiste était avec eux et depuis 4 jours, il a le désagréable sentiment d'être vu comme une bête de foire ou une rock star dit-il. Et il ne comprend pas : "C'est juste pas une chance d'avoir été là-bas en fait. C'est juste pas une chance d'avoir perdu mon meilleur ami, mon frère. D'avoir perdu Oda que je connais depuis longtemps, Ludovic, Aïma, Justine, Guillaume. Je vous assure que vous étiez très bien là où vous étiez en fait ".

"J'aurais dû mourir avec mes amis "

Baptiste qui trouve ça injuste que ceux qui n'étaient pas là-bas arrivent à pleurer alors que ses larmes à lui, ne coulent pas. Elles coulent à flot en revanche sur les joues d'Ambre, qui était aussi à La Belle Equipe ce soir-là : "J'aurais dû mourir avec mes amis, j'étais derrière le bar. Pour une fois, le bar m'a sauvé ", trouve-t-elle la force de plaisanter, déclenchant autour d'elle une cascade de rires.

"J'ai essayé de lui tenir la main et juste de lui dire à quel point je pouvais l'aimer "

Ambre a beau sourire, elle ne peut s'empêcher de culpabiliser d'avoir tout simplement survécu : "J'ai essayé tant bien que mal de porter Oda. Je n'ai pas réussi à porter ses pieds, il y avait des cadavres à enjamber, je n'y arrivais pas. J'ai retrouvé Oda quelques minutes plus tard sur une table en bois dans le café d'à côté. J'ai essayé de lui tenir la main et juste de lui dire à quel point je pouvais l'aimer, chose que j'espère qu'elle savait mais que je n'avais pas dit assez. Les pompiers ne voulaient pas l'emmener parce qu'elle avait une balle dans la tête, ils l'ont mis avec les morts. Finalement, elle respirait encore. Ils l'ont mis sur un trottoir. Et moi pendant tout ce temps-là je lui ai tenu la main. Je m'en veux beaucoup parce que je n'ai pas été là pour la couvrir. Elle méritait moins que moi de mourir, j'avais des amis qui étaient meilleurs que moi ".

"C'est le chef d'entreprise qui vous parle : il faut rouvrir, il faut travailler, il faut bouffer, il faut gagner nos vies "

  (Embrassades, enguelades, tension, émotion : la séance est vécue par certains comme un exutoire © Radio France/Jérôme Jadot)
Embrassades, enguelades, tension, émotion : la séance est vécue par certains comme un exutoire. Mais beaucoup voudraient noyer leur chagrin dans le travail. Grégory Reibenberg est le patron de la Belle Equipe. Il a perdu sa compagne dans la tuerie : "C'est le chef d'entreprise qui vous parle : il faut rouvrir, il faut travailler, il faut bouffer, il faut gagner nos vies. Et il ne faut pas perdre de temps. Ca ne va pas être simple. Bon, chacun le vit différemment. Le but c'est de vite, vite, vite panser les plaies, d'être souriants, d'être efficace et que ce ne soit pas trop lourd à porter ".

"Il y a un principe de base, c'est que tous les gens, tous les curieux, c'est de leur dire que vous êtes éprouvés "

Deux des trois bistrots de Grégory Reibenberg ont rouvert hier et parmi les inquiétudes du personnel, les questions inévitablement posées par les clients : "Il y a ce voyeurisme pour beaucoup. Il y a aussi de l'empathie, de la curiosité, il y a de tout. Mais il y a beaucoup de gens qui viennent et qui veulent savoir pourquoi ça été fermé, qui est mort. Il y en a qui vont clairement poser cette question-là. Mais on a besoin de savoir de quelle façon toute l'équipe va pouvoir se protéger. Et en même temps leur répondre parce qu'il y a certains habitués qui ont le droit de savoir que ceux qu'ils aimaient bien côtoyer ne sont plus là ". Jean-Pierre Vouche, psychologue, leur répond : "Il y a un principe de base, c'est que tous les gens, tous les curieux, c'est de leur dire que vous êtes éprouvés par ce qui vient de se passer et quand vous êtes éprouvés, vous ne pouvez pas en parler ".

"Le moins que je puisse faire pour eux, c'est de rester humaine "

Alors le meilleur hommage à rendre aux amis assassinés, la meilleure réponse à ceux qui les ont tués, pour Leila, c'est de ne surtout rien changer : "Moi je vais gérer comme je sens que je dois agir sur le moment. Et le moins que je puisse faire pour eux, c'est de rester humaine et de trinquer à eux, de continuer à aller en terrasse ", dit-elle sous les applaudissements.

Pour retrouver la terrasse de La Belle Equipe, il faudra toutefois attendre encore quelques semaines mais son patron veut rouvrir. Pas pour en faire un lieu de mémoire, dit-il, mais juste pour que cela redevienne un lieu de vie.

  (Les symptômes après un événement traumatique © Radio France / Jérôme Jadot)
 

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