La Sécu s'offre son fichier informatique à la "Big Brother"
Et revoilà la polémique sur les croisements de fichiers informatiques, qui permettent de placer les citoyens sous surveillance renforcée. 2008 a eu le fichier “Edvige” de la police, qui finalement n'a pas vu le jour sous sa forme projetée initialement. 2009 aura eu le répertoire national commun de la protection sociale. Le quotidien Les Echos de ce matin révèle l'existence du dernier né des outils de lutte contre les fraudes et les irrégularités développé par la Sécurité sociale.
Il ne s'agit pas d'un nouveau fichier, mais d'un logiciel permettant de croiser en quelques clics de souris des bases de données existantes : celle de l'assurance-maladie, de l'assurance-retraite, de l'assurance-chômage, des prestations familiales ou des minimas sociaux, comme le RSA. Bref, les quatre branches de la Sécu (prestations familiales, assurance-maladie, retraite, accidents du travail), plus les données de Pôle emploi, déjà lui-même un agglomérat de l'ex-ANPE et de l'ex-Unedic.
CALCUL DES MONTANTS DE RETRAITES
Concrètement, un agent habilité pourra par exemple retracer presque au jour le jour une partie de la carrière d'un retraité en allant chercher ses périodes d'arrêt de travail dans les bases de données de l'assurance-maladie et ses périodes de chômage dans les bases de Pôle emploi. Des informations qui jouent évidement sur le montant de la retraite qui lui sera versée. Les informations circulent déjà entre administrations, mais là, il ne faudra plus que quelques secondes pour les réunir.
Qui aura accès à cette base bien renseignée ? Les agents habilités des différentes branches de la Sécu et de Pôle emploi, plus ceux des collectivités locales et des centres communaux d'action sociale, en ce qui concerne les données sur les aides sociales.
“BIG BROTHER” ET GARDE-FOUS
La CGT proteste contre ce fichier en évoquant dans les colonnes des Echos le roman 1984, de George Orwell, où le gouvernement de “Big Brother” voyait tout et savait tout de ses citoyens, exemple toujours ressorti dans ces affaires de croisements de fichiers. Le syndicat dénonce une administration “de plus en plus intrusive”.
De fait, il aura fallu trois ans pour rédiger le décret d'application de cette mesure législative votée en 2006. La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a mis un an à avaler ce morceau, mais assure qu'il existe des garde-fous : le fichier ne constituera qu'une aide et aucune décision ne devrait être prise sur sa seule foi, sa fonction n'est que de détecter les anomalies et non de “pastiller” un contrevenant, les données ne sont conservées que pendant cinq ans (délai de prescription) et toutes les consultations sont répertoriées et “traçables”.
_ Enfin, le fisc ne participe pas. Il ne fournit pas de données et ne peut pas consulter le répertoire. Mais cette exclusion ne durera pas. Dès 2011, une autre base de données permettra de fluidifier les échanges d'informations entre l'administration fiscale et la Sécu.
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