La robe de Cécile Duflot agite l'Assemblée nationale
Machisme bas du front ou ignorance ? Les
quolibets essuyés par la ministre depuis son arrivée au gouvernement posent
la question. Il y a d'abord eu l'épisode du jean porté lors du premier conseil des ministres, et voici cette fois celui de la robe dans l'hémicycle.
Mardi, Cécile Duflot a arboré une robe à motifs bleus et blancs : tenue colorée qui, lorsque la députée, s'est avancée au micro pour répondre à une question sur le dossier du Grand Paris, a soulevé une étrange clameur dans les rangs. Quelques minutes de quolibets qui ont même poussé Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, à réclamer le retour au calme. Cécile Duflot, loin d'être décontenancée, a attaqué avec un regard noir et un sobre : "M esdames et messieurs les députes, mais surtout messieurs visiblement... " .
L'épisode, aussi déplacé que la robe de Cécile Duflot est conforme aux règles de la bienséance (jupe au genoux, bras couverts, pas de décolleté), sera suivi d'un autre épisode, plus tard dans la salle des Quatre Colonnes. Bernard Debré, député UMP, y tance cette fois la présence de Rachida Dati , candidate à la mairie du VIIe arrondissement parisien, en se posant la question : "Je ne suis pas sûr que Vuitton ou Dior ait sa place à ce niveau-là" .
Si les codes
vestimentaires des tenues masculines à l'Assemblée sont clairs, comme le port
obligatoire de la cravate, celui des femmes, lui reste encore totalement flou. Retour sur les paradoxes vestimentaires de la classe politique française.
Le pantalon : premier vêtement hors-la-loi chez les
femmes
Paradoxe : le port du pantalon au féminin, largement
banalisé depuis les années 70, est pourtant encore interdit par un texte de loi
toujours en vigueur (signé par un décret de 1799, dont les radicaux de gauche
ont demandé l'abrogation en avril 2010). Et pourtant, même l'Assemblée nationale est passée outre cette réglementation antédiluvienne : le
pantalon chez les filles, dans l'hémicycle, est autorisé depuis 1980. La mesure
est inaugurée par Chantal Leblanc, (selon l'auteur Christine Bard, auteur de Histoire du pantalon, Ed.Seuil) mais Michèle Alliot-Marie avait déjà joué les
rebelles avant elle : en 1972, interdite d'accès à l'hémicycle à cause de
son pantalon, la députée avait proposé de
le retirer dans la seconde....
La couleur, une audace : le cas Bachelot
Nulle mention non plus des couleurs autorisées dans le
protocole vestimentaire, et pourtant, les tons qui détonnent sont autant d'occasion
de se faire tancer. Roselyne Bachelot, ministre des gouvernements Chirac et
Sarkozy, habituée aux vestes de tailleurs acidulées et au port de Crocs lors de réunions des ministre, en a fait les frais. Une résistance
qui lui permis de réagir en douceur, sur , à la polémique du
jean de Cécile Duflot : "Franchement, si le jean de #Duflot est fabriqué en France,
elle a bien fait de le porter au Conseil des ministres !"
EELV, les rebelles
Cécile
Duflot n'est pas la seule de son camp à remettre en cause l'obscurantisme
vestimentaire en politique. François de Rugy, député EELV de Loire-Atlantique,
revendique son refus de la cravate (corrigé à chaque fois par le bon soin des
huissiers), et a même tenté, lors de l'été 2008, une autorisation spéciale en
raison de la chaleur pour oublier la veste de costume : demande évidemment
rejetée par la bienséance.
Dernier épisode en date, relaté par Cécile Duflot
sur son compte Twitter : Corinne Bouchoux, sénatrice de Maine-et-Loire, a tenté une entrée en jean à l'Assemblée. Refus catégorique des huissiers.
Réponse de Corinne Bouchoux : "aucun souci je l'enlève, j'ai une jolie culotte et
ça tombe bien je me suis épilée ce matin". Le
règlement du Sénat a donc fait l'objet d'un assouplissement instantané dans son
usage ".
Chez les hommes aussi, la mode est un combat
Meilleur exemple : Jack Lang et son costume Thierry
Mugler avec une veste à col mao. Nous sommes le 17 avril 1985, et Jack Lang, alors ministre
de la Culture, tente de rester digne face à la clameur moqueuse qui monte des
bancs. Le costume, de couleur sombre, est pourtant un modèle de sobriété. Le
ton est donné : sortir des rangs vestimentaires en politique peut aussi se
révéler un geste engagé.
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