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La Fnac retire le jeu de société "Antifa" : comment "l'effet Streisand" a encore frappé

Après les critiques d'un syndicat de police, l'entreprise a décidé dimanche de ne plus commercialiser ce produit dans lequel le joueur anime un groupe antifasciste. Mais la polémique ne s'est pas éteinte, bien au contraire, et le jeu bénéficie d'un beau coup de publicité. C'est ce que l'on appelle "l'effet Streisand".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le jeu Antifa (illustration). (ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS VIA AFP)

Cet article a été publié avant l'annonce de la Fnac, en fin de journée mardi 29 novembre, de reprendre la vente du jeu de société "Antifa" estimant qu'il ne comportait "rien de nature à justifier un refus de le commercialiser". 


"Ami·es et camarades, grâce à votre solidarité, le tirage de la nouvelle édition du jeu Antifa est épuisé sur notre site", se félicite la maison d'édition Libertalia sur Twitter, lundi 28 novembre. La veille, la Fnac annonçait le retrait de ses rayons de ce jeu de société qui propose d'animer un groupe antifasciste fictif, cédant à la pression du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) et de plusieurs élus du RN qui estimaient que ce jeu Antifa banalise la violence. Voilà comment la volonté de censurer conduit en fait à sur-médiatiser, soit l'inverse de l'effet recherché. C'est ce que l'on appelle populairement "l'effet Streisand".

>> On vous explique la polémique autour du jeu de société "Antifa", retiré des rayons de la Fnac

Cette expression fait référence à la mauvaise expérience vécue en 2003 par l'actrice et chanteuse Barbara Streisand. Elle avait porté plainte contre un habitant de Californie qui avait publié des photos aériennes de sa maison située à Malibu. Elle estimait que ces clichés constituaient une atteinte à sa vie privée et contrevenait à la loi californienne contre les paparazzi. Non seulement Barbara Streisand a perdu le procès – et a été condamnée à payer les 177 000 dollars de frais de justice du photographe – mais elle a attisé la curiosité de nombreux internautes. Ils se sont rués vers le site d'open data où elles étaient en accès libre.

L'"effet Streisand" ou effet boomerang médiatique a depuis fait de nombreuses victimes : acteurs, hommes politiques, entreprises ou institutions. En 2013, par exemple, la Direction centrale des renseignements généraux (DCRI) est tombée dans le piège. Elle avait tenté de faire supprimer la page Wikipédia dédiée à la sation militaire de Pierre-sur-Haute (Puys-de-Dôme), estimant qu'elle portait atteinte au secret défense. Effet Sterisand : la page, jusque-là relativement confidentielle, a été soudainement très consultée et est désormais traduite dans... 38 langues ! 

Un impact politique et économique

Autre exemple parmi tant d'autres : tout récemment, le maire de Saint-Etienne a expérimenté à son tour une variante de l'effet Streisand. Gaël Perdriau a obtenu par la justice la "censure préalable" d'un article de Médiapart révélant de nouvelles informations sur les accusations de chantage qui le visaient. Cette censure a en quelque sorte créé une affaire dans l'affaire. L'ordonnance du tribunal judiciaire de Paris a relancé les débats sur la liberté de la presse et les liens entre institution judiciaire et autorités politiques. 

L'"effet Streisand" renvoie désormais aussi dans le monde de l'entreprise à la notion d'e-réputation. Plusieurs sites spécialisés distillent ainsi des conseils aux responsables de la communication pour évaluer les risques d'une censure de contenu. Ils proposent des stratégies alternatives, de la position attentiste à la publication d'un communiqué réfutant point par point les attaques dont la société fait l'objet.

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