Un juré jugé pour violation du secret du délibéré
Thierry Allègre va tenter d'expliquer à la justice les raisons qui l'ont poussé à briser le secret des délibérations en 2011.
Il risque jusqu'à un an de prison. Un ancien juré de cour d'assises comparaît, jeudi 17 octobre, devant le tribunal correctionnel de Meaux (Seine-et-Marne) pour violation du secret du délibéré. Thierry Allègre avait décidé de dénoncer, dans Le Parisien, l'attitude de la présidente de la cour d'assises d'appel dans le procès pour lequel il était juré, en novembre 2010. Francetv info revient sur son histoire.
Thierry Allègre, chef cuisinier d'une cinquantaine d'années, fait partie de ces milliers de Français tirés au sort pour juger leurs concitoyens aux assises. Le procès auquel il assiste est délicat : l'homme soupçonné d'avoir violé un mineur nie les faits. A l'issue de huit heures de délibéré, l'accusé écope de cinq ans de prison, dont deux avec sursis.
Un jury en plein doute, une présidente autoritaire ?
Pourtant, selon Thierry Allègre, son sort était loin d'être scellé lorsque les jurés sont entrés en délibération. "La présidente a procédé à un premier tour, à mains levées. Et là : seulement huit personnes ont voté la culpabilité. Trois ont dit : 'Je ne sais pas.' Et quatre ont voté l'innocence", détaille-t-il au Parisien en 2011. Pour déclarer l'accusé coupable, il fallait à l'époque une majorité de 10 voix sur 15, qui n'était donc pas atteinte.
Thierry Allègre affirme que la présidente de la cour, une magistrate professionnelle, a fait pression sur les jurés populaires. "En achevant sa plaidoirie, l'avocat de l'accusé nous avait exhortés à voter blanc si nous avions le moindre doute. 'Je ne veux pas de vote blanc', nous a tout de suite dit la présidente. 'Vous votez coupable ou innocent'", raconte l'ancien juré.
Après le premier tour, "la présidente a qualifié ça de 'moment d'égarement' et elle s'est mise à nous parler, à bâtons rompus, de sa propre vie. Elle a évoqué d'autres dossiers. Elle essayait, à coup d'anecdotes, d'orienter notre vote", poursuit Thierry Allègre. Après le procès, l'homme se retrouve tiraillé par sa conscience. Il décide d'en parler à la police et à la presse.
La rupture du secret
Problème : selon l'article 304 du code de procédure pénale, le juré jure "de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de ses fonctions". Il encourt un an de prison et 3 750 euros d'amende, précise Le Parisien en publiant son témoignage. La magistrate incriminée, elle, reste très discrète. A l'époque, tout juste se contente-t-elle de préciser : "Le secret du délibéré, moi, je le respecte."
Pour le défenseur de Thierry Allègre, Me Hubert Delarue, ce procès doit permettre de déterminer si un juré peut révéler des éléments "qui violent sa conscience". L'avocat regrette que le secret puisse "couvrir toute sorte de manipulation".
Thierry Allègre n'est pas le seul à remettre en cause le fonctionnement des jurés populaires. En 2012, Pierre-Marie Abadie, dans Juré d'assises, témoignage d'une expérience citoyenne et humaine (L'Harmattan), dénonçait "le rôle central et quelque peu exorbitant exercé par le président dans les débats comme dans les délibérations".
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