Turquie : des putschistes présumés condamnés à la prison à vie
Depuis 2008, c'est le procès qui symbolise la lutte entre le gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan d'un côté et les élites laïques du pays de l'autre.
275 prévenus, dont des généraux, des journalistes et des chefs de la pègre sont jugés depuis cinq ans dans le cadre d'une procédure dénoncée par l'opposition laïque comme visant à faire taire les critiques contre le gouvernement du Premier ministre.
Perpétuités et abandons de charge
La décision de la justice turque était donc très attendue, et le verdict est tombé ce lundi : le tribunal de Silivri, près d'Istanbul, a condamné à la perpétuité l'ancien chef d'état-major des armées Ilker Basbug pour "tentative de renversement de l'ordre constitutionnel par la force ".
Même sanction pour des anciens généraux comme l'ex-chef de la gendarmerie Sener Eruygur, l'ex-chef de la Première armée Hürsit Tolon ou le journaliste Tuncay Özkan. Quant au journaliste du quotidien de gauche Cumhuriyet Mustafa Balbay, élu pendant sa détention député du principal parti d'opposition, il écope de 35 ans de prison.
En fin de matinée, la justice turque avait ordonné la libération et abandonné les charges contre 21 prévenus.
Violences en marge du procès
De par l'ampleur du procès, les autorités turques s'attendaient à des débordements et avaient donc interdit tout rassemblement autour du tribunal. Les prévenus et leurs avocats ainsi que des parlementaires et des journalistes étaient les seules personnes autorisées à y accéder.
Des échauffourées ont cependant eu lieu entre des manifestants et les forces de police près de Silivri, sur une autoroute reliant la capitale turque à Tekirdag. Un journaliste présent sur place a estimé à environ 10.000 le nombre de manifestants, qui ont lancé des pierres sur les forces de l'ordre. La police a répliqué par des jets d'eau et des gaz lacrymogènes.
Soupçonnés d'avoir fait partie du réseau Ergenekon
Les hommes jugés ce lundi sont soupçonnés d'avoir fait partie d'un réseau appelé Ergenekon, du nom de l'endroit où aurait été fondé la nation turque d'après la mythologie locale. Cette organisation a été mise à jour en 2007, lors d'une opération anti-terroriste dans un bidonville d'Istanbul.
Les autorités ont découvert des armes et des explosifs, probablement destinés à déstabiliser l'AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir. L'enquête a révélé un réseau dirigé par des membres de l'armée turque et des intellectuels, journalistes ou universitaires, qui fournissaient des outils de propagande aux véritables chefs du réseau, les militaires.
Sur le fond, ces hommes sont accusés de vouloir anéantir l'idéologie de l'islamisme politique en Turquie, représentée par l'AKP, pour défendre les fondements kémalistes. Ils ont été découverts avant qu'ils ne puissent passer à une action concrète de terrorisme.
Leur objectif était visiblement de semer la panique dans le pays, en menant des manifestations et commettant des assassinats qu'ils auraient attribués aux islamistes pour délégitimer le gouvernement en place.
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