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Ce que contient la réforme pénale

Fin des peines plancher, création d'une peine de probation : avec son "projet de loi de lutte contre la récidive", le gouvernement veut mettre un terme à "la politique du laxisme" des gouvernements précédents.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le chef de l'Etat, François Hollande, et le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors des cérémonies marquant le 68e anniversaire de l'armistice de la seconde guerre mondiale, le 8 mai 2013 à Paris. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

L'arbitrage est tombé. L'exécutif n'aura pas donné raison à Manuel Valls. François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont confirmé, vendredi 30 août, la création d'une peine de probation ainsi que la suppression des peines plancher – deux mesures phare de la réforme pénale menée par la ministre de la Justice, Christiane Taubira.

Un changement qui va mettre fin à la "politique de l'affichage et du laxisme", a prévenu le Premier ministre, à l'issue de l'ultime réunion d'arbitrages à l'Elysée sur cette réforme pénale. "C'est pour cela que nous allons amplifier le renforcement des personnels de suivi et la construction de places de prison", a ajouté Jean-Marc Ayrault.

Le gouvernement tente ainsi de désamorcer les accusations de laxisme venues de la droite tout en rassurant une opinion publique sceptique. Francetv info fait le point sur cette réforme, baptisée "projet de loi de lutte contre la récidive".

La fin des peines plancher 

Le gouvernement va supprimer les peines plancher, qui impliquaient une peine minimale automatique en cas de récidive. La mesure, mise en place sous Nicolas Sarkozy, en 2007, visait à lutter contre ce phénomène.

Le chef de l'Etat justifie la suppression des peines plancher dans un entretien au Monde (article abonnés)"Je les ai contestées pour leur caractère automatique et leurs conséquences. Non seulement elles sont contraires au principe d'individualisation de la sanction, mais elles sont loin d'empêcher la récidive : celle-ci a triplé de 2004 à 2011."

La création d'une peine de probation

Appelée "peine de contrainte pénale" par le gouvernement, c'est une idée émise par le chercheur et criminologue Pierre-Victor Tournier, qui s'est inspiré de la Grande-Bretagne, explique-t-il à Rue 89. L'idée s'est ensuite imposée lors de la conférence de consensus, en février. Il s'agit d'une peine exécutée en milieu ouvert, "avec des contraintes fortes, des interdictions, des obligations, qui sont mises en application immédiatement", a précisé Christiane Taubira.

François Hollande précise au Monde que cette peine de probation sera réservée à "certains délits" et permettra "le contrôle du condamné sans incarcération". Le chef de l'Etat insiste : "Mon seul objectif, c'est la sécurité de nos concitoyens. Et l'efficacité de la réponse pénale. Aujourd'hui, les prisons n'ont jamais été aussi pleines. Et trop de peines ne sont pas exécutées, ce qui est insupportable pour les victimes."

Christiane Taubira a apporté quelques précisions. "L'arsenal répressif reste le même. Nous ne modifions pas, nous ne supprimons pas de peine, nous n'empêchons pas les magistrats de prononcer des peines de prison, y compris des courtes peines", a souligné la ministre. Cette nouvelle peine de probation pourra concerner "tous les délits" passibles de cinq ans de prison maximum, explique-t-elle.

 Un nouveau dispositif de libération sous contrainte

"Les sorties sèches seront supprimées", a affirmé Jean-Marc Ayrault après la réunion d'arbitrage à l'Elysée. Christiane Taubira a détaillé cette "libération sous contrainte", en expliquant qu'il fallait "un retour progressif à la liberté" pour éviter les risques de récidive. Un processus qui se déroulera "quelques mois avant la date de sortie", avec certaines conditions imposées.

Par ailleurs, la possibilité, pour les juges, d'aménager les peines sera réduite de deux ans à un an pour les primo-délinquants et de deux ans à six mois pour les récidivistes, selon le site du gouvernementEnfin, le gouvernement souhaite développer les moyens de la justice, notamment au niveau du personnel chargé de la probation et de la réinsertion des détenus. La construction de 6 500 places de prison est également prévue.

L'opposition se remobilise

L'UMP a retrouvé de la vigueur avec l'annonce de cette réforme pénale. "François Hollande a choisi (…) le laxisme plutôt que la fermeté envers les délinquants", a estimé le président du parti, Jean-François Copé. Et d'ajouter que les Français seraient "les premières victimes de cet arbitrage", qui sera interprété, selon lui, "comme un signal de faiblesse par les délinquants", entraînant une "recrudescence de l'insécurité".

Pour Jean-François Copé, cette réforme montre que la gauche n'a "toujours pas renoncé à l'angélisme qui l'anime depuis des années". L'ancienne garde de Sceaux Rachida Dati (UMP) a renchéri, évoquant "un nouveau danger pour la sécurité des Français". Sur Twitter, Bruno Beschizza, secrétaire national UMP à la sécurité, dénonce une "suppression" de la prison et estime que pour les Français, c'est "l'assurance que leurs agresseurs n'iront pas en prison".

Le calendrier de la réforme pénale

Reste à savoir quand cette réforme entrera en vigueur. Matignon a évoqué une présentation du texte en Conseil des ministres en septembre ou octobre, mais il ne figure pas au calendrier parlementaire de la fin 2013.

De nombreux familiers du dossier parient sur un report de son examen, qui promet d'être mouvementé. L'exécutif pourrait choisir de laisser passer les prochaines échéances électorales, en l'occurrence les élections municipales, qui se dérouleront fin mars 2014.

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