On vous résume l'affaire Jean-Claude Romand, l'histoire hors norme de ce faux médecin qui a assassiné sa famille
Condamné à la perpétuité en 1996 pour le meurtre de sa famille, et après leur avoir menti pendant dix-huit ans, Jean-Claude Romand a récemment déposé une demande de remise en liberté. Retour sur cette affaire criminelle hors norme.
Jean-Claude Romand sera-t-il bientôt un homme libre ? Le faux médecin, condamné à la perpétuité pour le meurtre, en janvier 1993, de cinq membres de sa famille, a récemment déposé une demande de liberté conditionnelle, a révélé France Bleu Berry, mercredi 5 septembre. L'audience d'examen de sa demande a finalement été renvoyée à une date ultérieure, a annoncé son avocat, Jean-Louis Abad, mardi 18 septembre.
"C'est un nouveau cauchemar", a réagi Emmanuel Crolet, le frère de l'épouse – et victime – de Jean-Claude Romand, devant les caméras de France 2. Des années de mensonge au quintuple meurtre familial, franceinfo revient sur l'une des plus grandes affaires criminelles des dernières décennies, qui a inspiré écrivains comme cinéastes.
Le "docteur Romand" accumule les mensonges
L'"imposture" de Jean-Claude Romand vis-à-vis de ses proches commence lors de ses études, dans le courant des années 1970. Après avoir quitté une classe de mathématiques supérieures sans l'avouer à son père, Jean-Claude s'inscrit en médecine, notamment pour se rapprocher de sa cousine par alliance, Florence, qui deviendra plus tard sa femme. Auprès de son père, il invoque des raisons de santé pour justifier ce changement de cursus.
Echouant de peu aux examens de fin de deuxième année de médecine, le jeune homme assure pourtant à sa famille qu'il les a réussis. De 1976 à 1986, il s'inscrit en deuxième année à la faculté de médecine de Lyon, tout en suivant les cours des années suivantes. Lors de son procès, Jean-Claude Romand justifie ces mensonges par une "peur de l'échec" et pointe "l'injustice" des diplômes.
Son imposture gagne ensuite en ampleur au milieu des années 1980. Le trentenaire a alors épousé Florence, avec qui il a eu deux enfants. Il assure à sa famille qu'il est devenu médecin-chercheur à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à Genève (Suisse). La réalité est tout autre : Jean-Claude Romand passe en réalité ses journées à lire à la bibliothèque, à la cafétéria ou dans sa voiture, afin d'approfondir ses connaissances médicales. Il soutient financièrement sa famille en escroquant parents et amis, auxquels il propose de placer leurs économies en Suisse, pour mieux les faire fructifier.
Un quintuple meurtre familial
Peu à peu, des proches de Jean-Claude Romand découvrent sa mythomanie, tandis que d'autres lui réclament leur argent. Dès 1988, le beau-père du trentenaire lui demande la restitution partielle d'une importante somme d'argent qu'il lui avait versée. Ce dernier meurt, en octobre de la même année, d'une chute dans les escaliers de son domicile, en Haute-Savoie, avec son gendre comme seul témoin.
Lors de son procès, à l'été 1996, les juges affirment que la découverte progressive de son imposture est l'élément déclencheur qui le mène au pire. Le 9 janvier 1993 au matin, Jean-Claude Romand tue sa femme Florence, alors âgée de 37 ans, dans leur maison à Prévessin-Moëns (Ain). Il la frappe avec un rouleau à pâtisserie pendant son sommeil. Selon ses dires, il demande ensuite à sa fille de 7 ans, Caroline, de s'allonger pour qu'il puisse prendre sa température. Il la tue d'un tir de carabine, et fait de même avec son fils de 5 ans, Antoine.
Jean-Claude Romand prend ensuite la route et se rend chez ses parents, à Clairvaux-les-Lacs (Jura), à environ 80 km de son domicile. Il déjeune avec eux, puis les attire à l'étage et les tue, l'un après l'autre, de plusieurs balles dans le dos. Plus tard, le meurtrier rejoint son ex-maîtresse à Paris. Elle aussi lui avait donné une importante somme d'argent. L'homme l'emmène en forêt de Fontainebleau, prétextant un dîner avec son prétendu ami Bernard Kouchner. Vers 23 heures, il arrête la voiture et asperge la jeune femme avec une bombe lacrymogène. Devant ses hurlements et supplications, il renonce finalement à la tuer.
L'assassin revient ensuite sur les lieux de ses premiers crimes, dans la maison familiale de Prévessin-Moëns. Dans la matinée du 11 janvier, il avale des barbituriques et met le feu à son domicile. Jean-Claude Romand est retrouvé, inconscient mais vivant, par les pompiers. L'homme, alors âgé de 38 ans, a laissé ce message dans sa voiture : "Un banal accident et une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon."
Devant la cour d'assises, des crimes inexpliqués
Le 25 juin 1996 – plus de trois ans après les faits – le procès de Jean-Claude Romand s'ouvre devant la cour d'assises de l'Ain, au palais de justice de Bourg-en-Bresse. Dès le troisième jour, la présidente de la cour questionne, interpelle le suspect sur les raisons précises de ses actes, rapporte L'Obs. "Mais pourquoi ? Pourquoi les avoir tous tués, même vos enfants, que vous adoriez ?", lance Yvette Vilvert.
Evoquant seulement un "flash étourdissant", Jean-Claude Romand peine à trouver ses mots, à expliquer son geste. Au sujet de ses enfants, il raconte qu'il a "regardé une vidéo avec eux. Après, je suis allé chercher la carabine au grenier. Ensuite, j'ai vu leur corps, c'était bien eux, mais ça ne pouvait être Caroline et Antoine", dit-il. Le meurtrier hurle, jusqu'à faire une syncope, raconte L'Obs. Interrogé sur ses mensonges, l'homme avance "la crainte de décevoir sa famille".
Si j'ai tué mon épouse, c'est par rapport à la douleur intolérable qu'elle allait vivre en comprenant mes mensonges.
Jean-Claude Romandlors de son procès
L'accusation le définit de son côté comme un calculateur, qui avait bien prémédité ses meurtres. Jean-Claude Romand avait, selon l'accusation, acheté plusieurs jours avant ses crimes de l'essence, une carabine 22 long rifle qui servirait à tuer ses enfants, ou encore des médicaments. Quant aux psychiatres présents au procès, ils décrivent un "mythomane", souffrant "d'une pathologie narcissique", mais n'ayant aucun trouble neuropsychique qui puisse atténuer sa responsabilité.
Le "mythomane" devenu détenu modèle
Après sa peine de sûreté de vingt-deux ans, Jean-Claude Romand est désormais, en principe, libérable. Sa demande de liberté conditionnelle sera examinée prochainement à la maison centrale de Saint-Maur (Indre), où il est actuellement détenu.
Selon une source proche du dossier, cette demande de libération a été longuement préparée. L'attitude jugée modèle de Jean-Claude Romand à Saint-Maur pourrait jouer en sa faveur. Selon l'administration pénitentiaire, le détenu travaille en prison, "ne pose aucun problème", est "tout à fait gérable" et n'a "pas de passé disciplinaire". Une source l'ayant côtoyé à la maison centrale de Saint-Maur abonde, évoquant un homme "calme", "très posé", "assez solitaire" et "toujours très poli". Mais sa libération pose encore question.
La question numéro un est : est-ce qu'il peut être un danger pour la société s'il sort, et est-ce qu'il a compris le sens de sa peine ?
L'administration pénitentiaireà l'AFP
Pour Emmanuel Crolet, le beau-frère de Jean-Claude Romand, ce dernier n'a pas pu changer, même après vingt-deux ans d'incarcération. Pour lui, le détenu "reste un manipulateur et un menteur". "Tant qu'il est en prison, loin de chez nous, on a la paix", a-t-il confié à France 2. Si son beau-frère retrouve la liberté, "on peut le croiser dans la rue, on peut le croiser sur la tombe de ma sœur", s'indigne-t-il. "Je ne sais pas si on se rend compte du choc que ça pourrait faire."
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