Mobilisation autour de Serge Atlaoui, condamné à mort en Indonésie
Serge Atloui, 51 ans, est ouvrier soudeur. Il y a dix ans, sans emploi, il est tenté par la proposition d'un ami : 2.000 euros par semaine pour aller installer les machines d'une usine d'acrylique en Indonésie. Premier voyage : pas de problème. Deuxième voyage : l'usine a changé, il découvre que c'est en fait une fabrique clandestine d'ecstasy. Mais c'est trop tard. Une descente de police intervient. Prison, procès. Serge Atlaoui crie son innocence en vain. Il est condamné à mort.
Les juges n'ont jamais appliqué cette peine de mort, dans les faits. Qu'est-ce qui fait que là, au bout de 8 ans, le peloton d'exécution se rapproche pour Serge Atlaoui ? Et bien les choses ont changé avec l'élection en octobre de Joko Widodo, le nouveau président indonésien. Pour lui la drogue est un fléau criminel - le pays comptant 4 millions de toxicomanes. Joko Widodo a décidé d'appliquer la loi à la lettre - loi très sévère en matière de stupéfiants en Indonésie. Depuis janvier, six hommes ont été exécutés. La plupart sont des étrangers condamnés pour trafic de drogue. La nuit prochaine, le Tribunal de Tangerang là-bas en Indonésie doit rendre un avis sur Serge Atlaoui avant que la cour suprême à son tour ne se prononce. C'est l'ultime recours pour le Français. Et ses proches craignent que le tribunal se prononce encore une fois pour la peine de mort.
Son épouse appelle au secours
Sabine Atlaoui, son épouse, est arrivée à Djakarta il y a un mois avec les trois enfants de Serge Atlaoui. Deux fois par semaine, elle prend un bateau et va le voir au parloir de sa prison de Nosa Kambangan, sur une île isolée au sud de Java. Sabine Atlaoui, épuisée mais toujours combative : "C'est maintenant où jamais. J'ai peur. C'est pour cela que je lance un appel pour une mobilisation en France. Il faut se rassembler autour du cas de mon mari pour le protéger, pour dire ' non, ne l'exécutez pas'. Désormais je sens que seuls, nous n'y arriverons pas. On a besoin du soutien de tous. Ici, la tension est énorme. On vit au jour le jour dans l'inquiétude. C'est une torture psychologique. Je sens que mon mari peut très bientôt être exécuté. Les derniers signes ne sont pas rassurant s".
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Un véritable appel au secours. L'avocat français de Serge Atlaoui, resté volontairement discret depuis des années pour ne pas froisser les autorités indonésiennes, a lui aussi changé de ton. Car il y a maintenant urgence pour Maitre Sédillot : "L'étau se resserre. Et nous sommes surpris, consternés même, du peu de cas que la justice indonésienne fait de Serge Atlaoui qui, lui, s'est toujours comporté en détenu exemplaire, faisant confiance aux juges, respectant les délais pour chaque recours silencieusement. Aujourd'hui on lui refuse de présenter des témoins. Et on craint que le tribunal - et après lui, la Cour suprême - refuse de commuer la peine en peine de prison. On est très malheureux de cette situation ".
Tentative de mobilisation la plus large possible
Désormais, l'ambiance est à la mobilisation tous azimuts, d'où les manifestations ce mardi soir à Paris et à Metz. D'où les pétitions, les appels sur les réseaux sociaux.... L'association Ensemble contre la peine de mort tente de faire réagir aussi les parlementaires, les maires, les personnalités. Raphael Chenuil-Hazan, son responsable : "On a besoin de montrer aux autorités indonésiennes qu'il y aura des effets sur les relations entre nos deux pays si cette mise à mort a lieu. Si Serge est exécuté, ce sera le premier Français exécuté depuis 1977. Un Français menacé ainsi d'exécution au bout du monde est forcément un emblème. Et la France et les Français ne peuvent que réagir. La France a une voix particulière à exprimer sur la question des droits de l'homme. A fortiori quand un de ses ressortissants peut être bientôt tué comme un chien ! Je vais citer Albert Camus : 'La peine de mort est le pire des crimes car c'est le plus prémédité. Le condamné à mort est tué deux fois : la première fois quand la peine est prononcée, la seconde fois au moment de l'exécution' ".
Mobilisées, les autorités le sont aussi : François Hollande et Laurent Fabius ont écrit à leurs homologues indonésiens, l'ambassadrice de France à Jakarta œuvre en coulisse. Romain Nadal, le porte-parole du quai d'Orsay : "Nous resterons mobilisés et ne lâcherons rien tant que nous n'aurons pas obtenu le sursis de l'exécution de notre compatriote. Il faut savoir que nous mobilisons sur son cas toute l'Union européenne. Cela fait 28 États qui s'unissent et veulent faire pression. Cela représente un certain poids dans la communauté internationale et on espère que cela fasse réfléchir les autorités indonésiennes, qu'une prise de conscience s'opère à Jakarta ". En janvier dernier, parmi les hommes exécutés en Indonésie, figurait déjà un ressortissant européen : un Néerlandais. La mobilisation des 28 États européens et du roi des Pays Bas n'ont pas permis d' empêcher son exécution.
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