Les Innus : des indiens en guerre contre un géant minier
Cette semaine, ces chefs se sont invités à l'assemblée générale des actionnaires du groupe à Londres. Avant cela, ils font un passage ce week-end à Paris pour défendre leur point de vue. Au risque de décevoir les amateurs de clichés, mis à part leur veston tissé, ces chefs Innus sont vêtus à l'occidentale. Ils parlent un français parfait, leur territoire se trouve à l'est du Québec et c'est sur Google Earth que Real Mackenzie commente les stigmates laissés par la compagnie minière. « C’est un territoire massacré » explique-t-il.
18 énormes trous de mine à ciel ouvert
Ce qui était forêt et terrain de chasse s'est transformé en ce que le chef Innu appelle le plus grand terrain de golf du monde, 18 énormes trous de mine à ciel ouvert. Jean-Claude Therrien-Pinette est directeur de la protection des droits et du territoire pour une des 9 communautés Innus du Québec.
« Ils sont partis en laissant les terres contaminées, l’eau contaminée. Ca ressemble à la planète Mars » explique-t-il.
Le sol est rouge comme le minerai de fer que la filiale du groupe Rio Tinto a sorti là-bas du sol à partir des années 50. C'est aussi à cette période que les Innus, peuple nomade qui se déplace par groupe de deux ou trois familles, peuple pêcheur, cueilleur de baie et chasseur de caribou, vont se regrouper dans quelques villages.
Eloigner les Innus de leurs territoires
Mais pour la compagnie minière l’objectif était d’éloigner les Innus de leurs territoires. L'attribution de concessions minières par les autorités coïncide ainsi selon Jean-Claude Therrien Pinette avec la création des réserves et aussi le développement d'internats pour les jeunes dans lesquels les Innus ont aujourd'hui le sentiment d'avoir été acculturés.
C'est donc dans ce cadre vécu comme quasi colonial que les Innus situent leur combat contre Rio Tinto. Même si les autorités canadiennes ne l'entendent pas forcément de cette oreille, les Innus - ils sont environ 17.000 aujourd'hui- s'estiment propriétaires des terres sur lesquelles chassaient leurs ancêtres et qui sont aussi grandes que la France...le fait que les mines exploitées par la filiale de Rio Tinto aient fait vivre bon nombre de famille ne change rien à l'affaire aux yeux du chef Réal MacKenzie :
« Occuper un terrain, c’est comme occuper un appartement, le locataire paye et bien chez nous, c’est pareil. »
Après avoir cherché pendant 4 ans à négocier un accord à l'amiable avec Rio Tinto, les Innus ont lancé une procédure judiciaire au Québec. Ils réclament au géant minier près de 700 millions d'euros de dommages et intérêts. Des fonds qui seraient loin d'être superflu pour soutenir une population où le taux de chômage atteint 50% explique Mike McKenzie autre chef de communauté Innu. « Ces fonds pourraient par exemple servir à apprendre les rudiments de notre culture aux plus jeunes ».
Des requêtes que les chefs Innus sont allé exposer directement au PDG de Rio Tinto Sam Walsh. Il y a 3 jours, ils se sont invités à l'assemblée générale des actionnaires à Londres. Ils ont pu prendre la parole. Sollicité, le groupe minier nous a simplement répondu qu'il ne souhaite pas commenter une affaire en cours, tout en assurant vouloir trouver une solution satisfaisante pour les deux parties.
L’émergence d'une nouvelle génération d'Innus
On verra donc qu'elle sera l'issue de cette procédure tardive. Cela fait plus de 60 ans en effet que la filiale de Rio Tinto a commencé à exploiter les mines, plus de 30 qu'elles ont fermé. Pour Jean-Claude Therrien-Pinette, c'est peut-être lié à l'émergence d'une nouvelle génération d'Innus, passée comme lui dans les universités québécoise et donc potentiellement mieux armée.
Des Innus qui se sentent peut-être aussi d'autant plus fort qu'ils ont réussi à négocier des accords financiers avec 4 autres compagnies minières dont Arcelor Mittal qui leur verse chaque année, en fonction du niveau de production, plusieurs millions d'euros.
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