Le patron de la lutte antiterroriste cité en correctionnelle
Le chef de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), Loïck Garnier, est visé par une "citation directe en correctionnelle" pour "dénonciation calomnieuse". Une procédure lancée par le neveu de l’ancien président centrafricain François Bozizé, dont les avoirs ont été gelés par Bercy. Le ministère des Finances le soupçonne d’actes terroristes.
Bercy dit s’appuyer sur une note de l’UCLAT. Mais pour l’avocat du neveu de Bozizé, Jean-Paul Baduel, il s’agit d’une "dénonciation calomnieuse ".
Cette "citation directe" a été transmise, le 29 juillet 2015, par huissier, au patron de l’UCLAT. Selon nos informations, une première audience de fixation est prévue le 10 décembre prochain, à 13h30, devant la dixième chambre du Tribunal correctionnel de Paris.
Une plainte contre Michel Sapin devant la CJR
C’est une affaire à tiroirs qui débute le 29 octobre 2014. Un arrêté du ministre des Finances, Michel Sapin, ordonne le gel des avoirs (pour une durée de six mois) d’Ange Ouefio-Goningai, soupçonné par Bercy d’"œuvrer à la déstabilisation en Centrafrique" et de commettre des actes terroristes.
* Ange Ouefio-Goningai a la double nationalité française et centrafricaine. Il a été footballeur dans l’équipe réserve du PSG, avant de se lancer en politique en Centrafrique comme conseiller spécial du président François Bozizé pendant dix ans. Il rejoint la France, en 2012, quand éclate la guerre civile. "En état de clochardisation", selon ses termes, durant le gel de ses avoirs, il est actuellement hébergé… chez son avocat.
Une décision administrative qui ne repose sur aucune décision de justice.
En avril 2015, ce gel des avoirs est contesté par l’avocat d’Ange Ouefio-Goningai, Jean-Paul Baduel, devant le Tribunal administratif. Un mois plus tard, l’avocat dépose également plainte devant la Cour de justice de la République (CJR). Estimant qu’on a voulu faire tomber son client en s’appuyant sur un faux document, il dépose plainte pour "faux et usage de faux" contre le ministre des Finances.
"Je ne tremblerai pas lorsqu’il s’agit de taper au portefeuille "
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Sur BFM-TV, le 17 mai 2015, Michel Sapin explique que son arrêté a été pris sur la base d’ "éléments d’information communiqués par les services concernés ". De quel service de renseignement s’agit-il ? Le ministre des Finances ne le dit pas.
"Je ne tremblerai pas lorsqu’il s’agit de taper au portefeuille de ceux qui présentent un risque pour notre sécurité et pour la sécurité d’un état ami ", ajoute Michel Sapin.
Bercy "mouille" l’UCLAT
L’affaire rebondit, le 25 juin 2015. Le ministère des Finances livre des explications supplémentaires au Tribunal administratif. Il fournit l’origine du document qui aurait motivé sa décision de gel des avoirs : une note de l’Unité de coordination de la lutte anti-terroriste.
Cette note (non siglée) de six pages accuse cinq proches de l’ancien président centrafricain François Bozizé (dont Ange Ouefio-Goningai), d’avoir tenté "de renverser par la force les autorités centrafricaines actuellement en place". Il est notamment question d’une "liste particulièrement impressionnante d’armes lourdes" possédée par le fils Bozizé (Jean-Francis Bozizé), ancien ministre de la défense de la République centrafricaine, "à son retour en France le 25 septembre 2014, en provenance du Congo-Brazzaville", indique le document attribué par Bercy à l’UCLAT.
"Le feu d’artifice va commencer"
Selon celle note, ce groupe de "comploteurs" aurait "prévu d’enlever la présidente [centrafricaine] Catherine Samba-Panza, de la séquestrer et de la contraindre à lire un communiqué pré-rédigé". "Dans le cadre de ses préparatifs conspiratifs, Jean-Francis Bozizé s’appuie en France sur Ange Barthélémy Ouefio-Goningai", ajoute le document.
Pour l’avocat d’Ange Oueifio-Goningai, Jean-Paul Baduel, il s’agit d’un montage.
"Ce document est un faux. Les documents qui émanent des services de l’Etat (la DGSI ou la DGSE) sont normalement couverts par le secret-défense. Or, là, il s’agit d’un document qui n’est marqué d’aucune restriction.
*De plus, nous savons que dans le cadre du renversement de l’ex-président Bozizé, il a circulé énormément de faux. Il est navrant que les services de l’Etat tombent dans ce genre de piège.
Il faut que le chef de l’UCLAT, Loïck Garnier, nous dise s’il est l’auteur de cette note. Si c’est le cas, il doit en assumer la responsabilité. En revanche, si ce n’est pas son service qui est l’auteur de cette note, nous aurions affaire à un deuxième mensonge du ministre Sapin !* ", nous dit Maître Baduel
L’avocat estime également que cette note contient des éléments "incohérents ". Par exemple, "un listing d’armement qui ne correspond pas à un putsch ".
Contacté, Loïck Garnier ne souhaite pas s’exprimer publiquement sur le sujet. Cependant, des sources proches du ministère de l’Intérieur nous précisent que "cette affaire n’est pas aussi simple que veut bien le présenter le plaignant. Tout cela sera débattu à l’audience, devant le tribunal ". On en saura alors plus sur l’origine de cette fameuse note…
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