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Le dernier "Mayday" de la Calypso

A partir de ce mardi, l'ancien navire du commandant Cousteau doit quitter le chantier de Concarneau où il devait être rénové. Un différend judiciaire entre le chantier naval et l'équipe Cousteau a provoqué l'arrêt des travaux. Le navire est en péril.
Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Le chantier arrêté de la Calypso, à Concarneau © Maxppp)

Faut-il plus d'une seconde pour reconnaître cette silhouette ? De la Calypso, le célèbre navire océanographique du commandant Cousteau, il ne reste pourtant pas grand chose : un squelette de membrures, deshabillé de sa peau de bordé, sortant le nez d'un hangar, comme un vieux chien malade. A bien tendre l'oreille, quelques rêveurs croiront peut-être entendre les échos d'aventures salées et d'attentes enfantines devant les films du marin au bonnet rouge. Mais pas Pascal Piriou.

L'ancien dragueur de mines de la Royal Navy, devenu à partir de 1951 pionnier de la connaissance des océans et porte-drapeau des débuts de l'écologie militante, ne fait plus rêver le patron du chantier naval Piriou de Concarneau. Et à compter de ce mardi, la Calypso est priée d'aller poser sa quille ailleurs.

1.000 euros par jour de retard

Ainsi en a décidé la Justice le 9 décembre dernier. Dans son arrêt, la cour d'appel de Rennes oblige l'équipe Cousteau, association présidée par la dernière épouse du commandant, Francine Cousteau, à trouver un autre endroit pour entreposer le navire, dont le chantier de rénovation est au point mort. Et si la décision n'est pas exécutée, l'association devra payer au chantier Piriou une astreinte de 1.000 euros par jour de retard.

"Cet arrêt est pour nous un grand soulagement mais nous laisse un profond goût  d'amertume "

La facture est déjà bien lourde puisque la justice a aussi condamné l'équipe Cousteau à payer le solde des travaux  au chantier, soit 273.000 euros. "Cet arrêt est pour nous un grand soulagement mais nous laisse un profond goût d'amertume ", après "six années de querelle stérile (...) au regard des énergies et moyens que nous avons déployés en vain pour restaurer la Calypso ", a regretté Pascal Piriou dans un communiqué.

Du naufrage à Singapour à la paralysie au chantier

Ces sommes à elles seules constituent déjà une lourde menace pour l'avenir du navire. Son état pose également question quant à la simple possibilité d'un déménagement. En janvier 1996, un an avant le décès de Jacques-Yves Cousteau, la Calypso a fait naufrage dans le port de Singapour. Renflouée, elle a traîné ses cicatrices de Marseille à La Rochelle, jusqu'à Concarneau, où elle devait donc être restaurée, non sans être passée - déjà - par des péripéties judiciaires.

Mais en 2009, tout s'arrête. L'équipe Cousteau accuse le chantier d'avoir commis des fautes et stoppé les travaux, alors que Pascal Piriou faisait valoir que l'association avait entre-temps changé d'avis, passant de la transformation de la Calypso en musée à son utilisation comme navire de présentation itinérant, capable d'effectuer des traversées océaniques. Pas les mêmes travaux, ni le même devis. Le classement du navire comme "patrimoine national" aurait sans doute contribué à réunir des fonds nécessaires à une restauration. Mais à ce jour, la demande court toujours, alors que la Calypso file vers un nouveau naufrage, sur terre cette fois.

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