La bataille tabac contre e-cigarette devant la justice
La cigarette électronique contre la cigarette classique. La bataille prend un tour judiciaire depuis lundi. Les juges consulaires du tribunal de commerce de Toulouse ont entendu pendant environ une heure deux parties plaider, l'une l'illégalité, l'autre la légalité de l'activité d'Esmokeclean, un magasin de Plaisance-du-Touch qui vend des cigarettes électroniques, dans la banlieue toulousaine.
Le plaignant, un buraliste, accuse les responsables du magasin, ouvert en juin tout près de son pas de porte, de violer la règlementation en faisant dans leur boutique, sur leur page facebook et leur site internet, de la publicité illicite en faveur d'un produit s'apparentant au tabac.
Buralistes et commerçants se disputent la vente de l'e-cigarette
Plus globalement, le buraliste pose la question du monopole de la vente des cigarettes : pour lui et son avocat, la cigarette électronique entre dans la catégorie des produits destinés à être fumés même s'ils ne contiennent pas de tabac et tombe donc, comme la vraie cigarette, sous le coup du monopole de distribution réservé aux buralistes.
Le représentant régional des buralistes Midi-Pyrénées, Gérard Vidal, a le même point de vue. Pour lui, la cigarette électronique doit être vendue dans les bureaux de tabac.
Reynald Pirat, un des patrons de la boutique en cause, s'insurge. "La communauté des vapoteurs ne fume pas de tabac. Comment peut-on assimiler ça à du tabac ? C'est quand même absurde ", a déclaré Reynald Pirat dont les appareils délivrent dans la bouche de la vapeur contenant le plus souvent de la nicotine. Son avocat, Me Benjamin Echalier, fait valoir que l'e-cigarette ne fait l'objet "d'aucune règlementation " et ne tombe donc sous le coup d'aucun "monopole ".
Le buraliste demandait que le tribunal interdise à Esmokeclean la publicité comme la commercialisation de ses cigarettes électroniques. Son avocat espérait une condamnation qui "fasse jurisprudence ". La confédération des buralistes, qui sont 27.000 en France, incitera tous ses membres à saisir les juges si le tribunal de Toulouse statue favorablement, a dit son président Pascal Montredon. Pour lui aussi, la vente d'e-cigarettes doit être "exclusivement" réservée aux buralistes.
"C'est un marché que nous allons récupérer"
A propos de la publicité, le Collectif des acteurs de la cigarette électronique (Cace) invoque sa moindre nocivité pour rejeter une interdiction générale, tout en acceptant de renoncer aux codes visuels de la cigarette traditionnelle. Le Cace pointe le "vide juridique " affectant le commerce de cigarettes électroniques dans l'Hexagone. Ce vide conduit l'avocat d'Esmokeclean à relativiser les futures implications du jugement toulousain. "Faute d'une loi, la décision du tribunal de commerce restera une décision un peu isolée ".
Sans attendre le jugement, la confédération des buralistes a allumé un autre contre-feu : elle pousse ses adhérents à vendre eux-mêmes la cigarette électronique; 70% des buralistes le font déjà, assure son président, et "que ce soit par la voie judiciaire ou par la voie commerciale et économique, c'est un marché que nous allons récupérer ".
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Ce procès constitue une première en France selon les avocats. Dans un contexte fortement concurrentiel, les buralistes d'une part et professionnels de l'e-cigarette de l'autre, suivaient l'affaire avec attention. Le tribunal de commerce de Toulouse dira le 9 décembre si la publicité et la vente des cigarettes électroniques constituent ou non une concurrence déloyale envers les buralistes.
Cette action en justice est intentée au moment où l'Europe se penche sur une nouvelle législation antitabac et où la cigarette électronique connaît une croissance fulgurante: selon l'Eurobaromètre 2012, 6% des Européens (soit 3 millions d'adultes en France) ont essayé l'e-cigarette.
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