Jérôme Kerviel porte plainte contre la Société générale et vice versa
L'avocat du sulfureux trader a fait savoir, sur Europe 1, qu'il avait déposé une plainte contre son ancien employeur, qui rétorque.
Il a symbolisé à lui seul les dérives de la finance. L'ancien trader Jérôme Kerviel a porté plainte contre la Société générale, son ancien employeur, pour escroquerie au jugement, a déclaré vendredi 20 avril son avocat, Me David Koubbi, lors d'une interview sur Europe 1. La Société générale va en retour porter plainte pour "dénonciation calomnieuse".
• Quel est le motif de la plainte ?
Une déduction fiscale mise en cause. "On a déposé une plainte contre la Société générale aujourd'hui pour escroquerie au jugement", a fait savoir Me Koubbi. Il fait valoir que la Société générale avait déjà récupéré 1,7 milliard sur les 5 milliards de pertes qu'aurait provoquées le trader, grâce à une déduction fiscale de près de 1,7 milliard d'euros en dédommagement des pertes subies. Selon Jérome Kerviel, son ancien employeur a caché à la justice qu'elle avait déjà obtenu cette somme avant le procès.
Dans un courrier adressé, mardi, aux présidents des commissions des Finances de l'Assemblée et du Sénat, l'avocat prétend qu'une déduction fiscale pour perte exceptionnelle n'est juridiquement possible que s'il n'y a pas eu carence manifeste dans les contrôles. Or, c'est le cas, puisque la Commission bancaire a infligé une amende de 4 millions d'euros à la SocGen en 2008 pour cette défaillance. Il demande par ailleurs la convocation d'une commission sur cet épisode.
La banque accusée d'avoir "fermé les yeux". Par ailleurs, Me Koubbi "conteste que [la perte de 5 milliards] soit imputable à Jérôme Kerviel". "Quand on veut se faire rembourser, il faut prouver que le préjudice existe. Là, ça n'a pas été prouvé", estime l'avocat.
L'avocat de l'ancien trader assure par ailleurs que la Société Générale a commis des opérations fictives semblables à celle de l'ancien trader, à la même époque, écrit Europe 1. "Nous découvrons, dans le dossier, qu'il existe un document où il est écrit que la Société générale a fait elle-même des 'deals fictifs', donc des opérations fictives, et c'est, ni plus ni moins, ce qui est reproché à Jérôme Kerviel", a indiqué Me Koubbi à la radio, alors que la justice s'est saisie du dossier. Le trader a toujours accusée son ancien employeur d'être informé de ses pratiques à risque et d'avoir fermé les yeux tant qu'elles rapportaient.
• Que répond la Société générale ?
L'ancien employeur du trader a déclaré vendredi soir avoir "demandé à ses avocats de porter plainte pour dénonciation calomnieuse dans les plus brefs délais". Sans répondre directement aux accusation de Jérôme Kerviel, la banquea annoncé qu'elle ferait "valoir ses arguments lors du procès en appel".
• Où en est le procès Kerviel ?
Reconnu coupable d'abus de confiance, de faux et usage de faux et d'intrusion frauduleuse dans un système de traitement de données, Jérôme Kerviel a été condamné, en 2010, à cinq ans de prison dont trois ferme. Il a été condamné à rembourser 4,9 milliards d'euros, soit le montant correspondant à la perte de trading subie par la SocGen en janvier 2008. Son procès en appel doit se dérouler du 4 au 28 juin 2012. Il est pour l'instant libre et n'a encore rien payé, l'appel étant suspensif.
Le tribunal de première instance a estimé qu'il avait délibérément violé ses engagements professionnels et caché la réalité de ses positions à sa hiérarchie. Le jeune homme avait admis des prises de position à risque vertigineuses de 2005 à 2008 sur des indices boursiers européens, ayant atteint près de 50 milliards d'euros, et camouflées par d'autres passations d'ordres fictives sur les marchés, censées couvrir le risque.
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