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Hormone de croissance : les familles pourront demander une indemnisation

La Cour de cassation renvoie en appel deux personnes poursuivies dans l'affaire de l'hormone de croissance : les proches des victimes pourront réclamer des dommages et intérêts.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un proche des victimes de l'hormone de croissance au tribunal correctionnel de Paris, le 14 janvier 2009.  (OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP)

Trois décennies après les faits, un espoir pour les proches des victimes. La Cour de cassation redonne mardi 7 janvier aux proches des victimes de l'hormone de croissance une nouvelle occasion de réclamer des dommages et intérêts aux deux derniers acteurs du dossier encore poursuivis. 

L'affaire de l'hormone de croissance 

Entre 1983 et 1985, 1 698 enfants en insuffisance hormonale ont été traités par injection à partir de prélèvements sur des cadavres humains. Plusieurs de ces cadavres étaient infectés par la maladie de Creutzfeldt-Jakob, qui a été transmise à plusieurs dizaines d'enfants, dont 120 sont morts au terme de longues souffrances.

Ce que dit la Cour de cassation

La Cour de cassation ne concerne que les intérêts civils et pas le volet pénal, qui a lui été jugé définitivement. En mai 2011, la cour d'appel avait ainsi relaxé le professeur Fernand Dray (91 ans), qui dirigeait le laboratoire Uria, rattaché à l'Institut Pasteur et chargé d'élaborer la poudre d'hypophyse (la glande qui produit l'hormone de croissance), et Elisabeth Mugnier (64 ans) qui assurait, elle, la collecte des hypophyses sur des cadavres.

Pour casser l'arrêt de la cour d'appel, la Cour de cassation a considéré que l'extraction et la purification de l'hormone de croissance d'origine humaine "entraient dans la préparation" d'un produit pouvant être administré à l'homme. Dès lors, ces opérations "relevaient (...) du monopole pharmaceutique" et n'auraient donc dû être pratiquées que par un établissement pharmaceutique, ce que n'était pas le laboratoire Uria.

A l'audience devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 28 novembre, la défense s'était appuyée sur l'article 511 du code de la santé publique et avait fait valoir que seul un produit administrable en l'état pouvait être considéré comme un médicament. Ce n'était pas le cas de la poudre élaborée par le laboratoire Uria. Le conditionnement sous forme d'ampoules au contenu injectable était réalisé, à partir de cette poudre, par la Pharmacie centrale des hôpitaux.

La Cour a adopté une définition plus large, dans un arrêt qui, selon plusieurs avocats, pourrait avoir des conséquences importantes, au-delà de la seule hormone de croissance. Elle a même été au-delà des recommandations de l'avocat général, qui estimait que seul Fernand Dray aurait dû être renvoyé devant une cour d'appel. "C'est un aveu d'échec désastreux pour l'institution judiciaire. (...) Ca montre l'inadéquation de notre système judiciaire avec le traitement des grandes affaires de santé publique", a estimé l'avocat de la majorité de ces proches de victimes, maître Bernard Fau. 

Le conseil des parties civiles a souligné que, même si le volet pénal ne serait pas rejugé, la cour d'appel se pencherait néanmoins sur la culpabilité des deux prévenus lors du nouveau procès.

La réaction des proches des victimes

Après 22 années de procédure, les 21 parties civiles encore impliquées vont devoir patienter encore plusieurs mois avant d'être définitivement fixées. "Ils y sont prêts", commente l'avocat de la majorité de ces proches de victimes, Bernard Fau, qui venait de recueillir la réaction de plusieurs d'entre eux. La procédure comptait initialement 118 parties civiles, mais beaucoup ont renoncé à poursuivre leur combat devant la plus haute juridiction française.

"Cela ne nous rendra pas nos enfants, mais c'est une victoire", a déclaré Michèle Jolivet, mère d'Emmanuel, traité en 1985 à l'hormone de croissance et décédé en 2000 à l'âge de 29 ans. Elle a rendu hommage à la "ténacité" de son conseil, Me Fau, et estimé qu'il s'agissait également d'une victoire pour la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, en charge de l'instruction longue de plus de treize années. "On repartira pour un procès en appel avec une grande détermination", a assuré Michèle Jolivet.

Son époux, Alain, a souhaité que ce nouveau procès se tienne dans un délai raisonnable, soulignant l'âge avancé du professeur Fernand Dray (91 ans). Il a également rappelé que deux prévenus étaient décédés avant le procès en appel, notamment le professeur Jean-Claude Job, personnage central de l'affaire et ancien président de l'association France Hypophyse.

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