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Francis Heaulme, portrait du "routard du crime"

PORTRAIT | Francis Heaulme devrait être jugé par une Cour d'assises pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz, longtemps attribué à Patrick Dils qui a été depuis innocenté. À 54 ans, cet homme purge plusieurs peines de prison après avoir été reconnu coupable de meurtres dans huit affaires. Pendant près de dix ans, il a sillonné la France, tuant au hasard. Il a finalement été arrêté en 1992 grâce à l'obstination d'un homme, le gendarme Jean-François Abgrall.
Article rédigé par Baptiste Schweitzer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (STEVENS FREDERIC / SIPA)

Le parcours d'errance criminelle de Francis Heaulme débute
en 1984. Né le 25 février 1959 à Metz, il a 26 ans lorsqu'il quitte le domicile
familial, quelques semaines seulement après le décès de sa mère. Une mère qu'il
adorait. "Une sainte" , dit-il, qui meurt des suites d'un cancer.

Son père, au contraire, le frappait, le traitait de
"retardé", l'enfermait souvent à la cave à cause de son allure
asexuée, à cause aussi de ce grand corps maigre avec ses bras trop longs. Plus tard,
les médecins diagnostiqueront chez Francis Heaulme le syndrome de Klinefelter,
la présence d'un chromosome féminin supplémentaire. Et si cette maladie entraîne
une altération de l'identité sexuelle et – dans certains cas – une légère
débilité, tous les experts le disent : elle ne peut expliquer le passage à
l'acte criminel.  

Condamné dans huit affaires

Pendant huit ans, Francis Heaulme sillonne donc la France. En
train, à pied, en autostop il traverse plus de 37 départements. Alcoolique au
dernier degré depuis l'adolescence, doté d'un QI plus faible que la moyenne, il séjourne dans des refuges et des
communautés Emmaüs. Se fait interner à sa propre demande dans des hôpitaux psychiatriques
qu'il quitte du jour au lendemain. Avoue des crimes sans être cru. Se fait diagnostiquer
comme psychopathe – sans suite. Travaille de temps en temps comme ferrailleur ou
maçon.

Et surtout, jusqu'à son arrestation le 7 janvier 1992, Francis
Heaulme tue. Au hasard. Des hommes ou des femmes, des adultes ou des enfants.
Des victimes sauvagement poignardées, étranglées ou battues à mort parce
qu'elles ont eu le malheur de croiser son chemin. Ces personnes ont toutefois un
point commun : elles ne peuvent pas se défendre face à la folie meurtrière de cet homme qui,
fait rarissime pour un tueur en série, est parfois accompagné d'un complice.

Le premier des crimes pour lequel Francis Heaulme est condamné (en 1994) date
du 5 novembre 1984, quelques jours seulement après qu'il a rompu
les liens avec sa famille. La jeune Lyonnelle Gineste âgée de 17 ans est
retrouvée morte dans un bois à Montauville près de Pont-à-Mousson. Sept
autres condamnations suivront. Francis Heaulme est aujourd'hui suspecté du
meurtre de deux enfants à Montigny-lès-Metz. 

Simple spectateur de ses meurtres

Le confondre et le condamner dans ces affaires a été une
chose difficile. Car "Francis Heaulme ne fonctionne pas comme vous et
moi"
, explique l'ancien gendarme Jean-François Abgrall, "il a des troubles du
comportement. Dans son registre, il n'a pas le remord même s'il a la notion du bien
et le mal
". Il brouille les pistes et invente des alibis.

Cet homme est sans doute celui qui connaît le
mieux le tueur en série. C'est lui qui l'a arrêté en 1992 après une longue
traque menée en dépit des réticences de sa hiérarchie. Il l'a interrogé à de
nombreuses reprises, a compris son mode de fonctionnement, est entré Dans la
tête du tueur
, titre de son livre où il détaille cette traque.

Et durant les nombreux interrogatoires, Jean-François
Abgrall a pu constater que Francis Heaulme n'avouait pas ses crimes – ces "pépins"
comme il les appelle – directement. "À chaque fois, il est spectateur. Il
explique ne pas avoir de chance car là où il passe, il y a un meurtre. Et c'est
seulement au bout de ses déclarations qu'il finit par 'entrer en
scène'"
, raconte l'enquêteur.

"Une mémoire autistique"

Quand il parle à Jean-François Abgrall, Francis Heaulme décrit
des rêves, "j'ai étranglé un arbre, c'était un jeune", mélange – volontairement
ou pas – des éléments réels et imaginaires. Parle en
rébus qu'il faut décoder, resituer, analyser. Mais il finit aussi par livrer de
nombreux éléments, dresse des croquis très précis des scènes de crimes.

"Il est doté d'une mémoire autistique" , raconte
l'ancien gendarme désormais reconverti en enquêteur privé. "Il serait
incapable de vous résumer un film mais est capable de vous donner des détails
presque photographiques. Et c'est par rapport à cette mémoire qu'on a trouvé des
éléments capables de le confondre."

Reste que le nouveau procès du meurtre de Montigny-lès-Metz – s'il a lieu – ne devrait sans doute pas permettre d'en savoir plus sur le déroulement de
crime. Car même si Francis Heaulme ne peut pas s'empêcher de parler, Jean-François Abgrall
craint, qu'une fois de plus, il ne mélange encore des histoires, en invente aussi –
il a déjà évoqué des dizaines de crimes qui n'ont jamais pu être établis : "Avec
lui, c'est toujours compliqué"
, résume l'ancien gendarme. 

> À écouter :  Les choix de France Info avec Jean-François Abgrall

 

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