Evadés fiscaux : la liste d'Eric Woerth aurait été falsifiée, selon "Le Monde"
FRANCE - Ce listing, rendu public en 2009 grâce à un salarié de la banque HSBC et qui avait permis de rapatrier 1,2 milliard d'euros, aurait été modifié, révèle une enquête du quotidien.
Le fichier suisse volé à la banque HSBC avec les noms de milliers d'évadés
fiscaux avait provoqué en France des redressements fiscaux et des poursuites pénales. Rebondissement : selon une enquête du Monde publiée lundi 23 juillet, ce fichier aurait été falsifié.
• L'affaire des fichiers HSBC, c'est quoi ?
A l'été 2009, l'ancien ministre du Budget, Eric Woerth, annonce qu'il possède une liste détaillée de près de 3 000 évadés fiscaux possédant des comptes en Suisse. C'est un informaticien de la banque HSBC, Hervé Falciani, qui a découvert ce fichier en 2008. Une arme anti-évasion fiscale qui a permis de rapatrier 1,2 milliard d'euros en France.
Selon la version officielle, l'informaticien s'est confié à l'ex-procureur de Nice, Eric de Montgolfier, en janvier 2009. Quelques jours plus tard, une perquisition a lieu à son domicile et sept mois après, le 9 juillet 2009, ces données sont transmises au fisc. Mais Le Monde révèle que l'affaire comporte d'importantes zones d'ombre.
• Le fichier aurait été falsifié
La Suisse, mécontente de cette affaire, avait obtenu que la France lui retourne début 2010 une copie de cette liste et elle dit être aujourd'hui en mesure de prouver qu'il y a eu falsification. "La justice suisse accuse les autorités françaises d’avoir modifié les listings initiaux", écrit le site du quotidien. Une accusation fondée sur une expertise informatique : "L'analyse du matériel par la police judiciaire fédérale a démontré que des données avaient été modifiées", indique Jeannette Balmer, porte-parole du ministère public de la Confédération helvétique.
Une accusation semblable est portée par l'une des "victimes" du listing, qui a déposé une plainte en octobre 2011 pour la "falsification d'un ou de plusieurs procès-verbaux de transmission des données informatiques".
"Qui a pu avoir intérêt à modifier ces données sensibles ? A-t-on voulu dissimuler des noms ?", interroge Le Monde. C'est le juge d'instruction parisien René Cros, saisi de l'information judiciaire depuis janvier, qui sera chargé de lever les doutes.
• Bercy aurait obtenu le fichier avant la justice
Selon l'enquête du Monde, le ministère des Finances aurait obtenu le fichier en avril 2008. C'est-à-dire neuf mois avant la perquisition au domicile d'Hervé Falciani. Ce dernier aurait fait ses confidences à un policier plusieurs mois avant d'aller voir le procureur. "Pendant six mois, les enquêteurs du fisc vont tenter de percer les mystères des fichiers. Ce n'est que le 9 juillet 2009 que le procureur Eric de Montgolfier leur transmet officiellement les mêmes données", souligne le quotidien. D'ailleurs, devant la commission sénatoriale d'enquête sur l'évasion des capitaux, le procureur a confié le 22 mai dernier : "J'ai en fait 'blanchi' l'origine des données informatisées que je détenais judiciairement."
Eric Woerth, qui avait déclaré avoir utilisé ces listes pour imposer un redressement aux fraudeurs, a nié toute falsification dans un entretien au site du Journal du dimanche. "Nous avons vraiment fait ce qu'il fallait faire. Demandez aux fiscs allemand, anglais ou américain comment ils travaillent. En face, ce ne sont pas des enfants de chœur", s'est-il défendu.
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