Une famille d'aristocrates ruinée après avoir passé 10 ansenfermée sous l'emprise d'un seul homme. Un gourou présenté comme "passe-partout"et "sans charisme" . Que nous a appris le procès des reclus deMonflanquin qui s'est achevé ce vendredi devant le tribunal correctionnel deBordeaux ?Les faitsDe 1997 à 1999, une famille de onze personnes a vécuretranchée sur leur domaine de Monflanquin dans le Lot-et-Garonne, puis àOxford. Dix ans pendant lesquels la matriarche, ses trois enfantsquinquagénaires, de deux de leurs conjointes et cinq petits-enfants adolescentsont cru à la folle histoire inventée par Thierry Tilly. Ce dernier leur faitcroire qu'il est un agent secret et que la famille est en danger à cause d'un complotfranc-maçon.**"Pour financer sa protection" , la famille se déleste de4,5 millions d'euros de biens. Après la fuite de trois membres de la famille,Thierry Tilly est arrêté en octobre 2009. Il est notamment poursuivi pourséquestration et abus de faiblesse. Le procureur a réclamé dix ans de prison, "lapeine de réclusion à laquelle les de Védrines ont été condamnés".Les victimesDevant le tribunal correctionnel de Bordeaux, la famille nes'explique toujours pas comment ils ont pu en arriver là. Durant leursauditions, les victimes ont décrit comment Thierry Tilly a tissé sa toile. "Ilnous mettait un pistolet psychologique sur la tempe" toujours là, par mailou téléphone depuis Oxford, pour distiller les craintes, "goutte par goutte,phrase par phrase" , lance Diane.Un autre explique que "l'effet degroupe a été catastrophique, notamment en l'absence de chef de famille" . JeanMarchand mari et père de trois l'a d'ailleurs payé. Refusant de croire à l'histoirede Thierry Tilly, il a perdu ses proches pendant huit ans."Ce sont des gens normaux" , selon l'expert-psychiatre DanielZagury. Chez les de Védrines, "la rationalité, le sens de la critique et l'intelligencedisparaissent" sous son influence : "ils ne sont pas devenus bêtesmais leur intelligence a été mise en jachère" .Le "gourou atypique" Il est apparu souriant et poli au premier jour du procès. Ila ensuite nié toute responsabilité dans la ruine de la famille. S'il admetavoir soutiré de l'argent, c'était "pour investir dans des lots immobiliersdans les Alpes" .Des enveloppes étaient amenées à Paris par les enfants dela famille pour être remises à Jacques Gonzales, autre accusé dans ce dossier.Voilà pour la ligne de défense.Pour le reste, les réponses de Thierry Tilly ontsouvent été fantaisistes : "Je descends des Habsbourg; j'ai été otagedes francs-maçons, à la mode latine; j'ai sauté à 12 ans d'un Transall avec unedérogation du général Bigeard" .La psychologue Geneviève Cédile a estimé "qu'onpeut comprendre qu'il ait exercé une fascination" , par "sa voix etson regard" , sa façon de "manier la carotte et le bâton, uneimprévisibilité qui stupéfie et peut déstabiliser" . De son côté, l'avocatde Thierry Tilly a explique que son client était victime "d'une doublealiénation : celui du cinéma qu'il se fait dans sa tête et celle du génie"de son coprévenu.Une évolution du droit ?Ce procès aura aussi été l'occasion de se pencher sur lanotion de "manipulation mentale" . Thierry Tilly était notammentpoursuivi pour "abus de faiblesse d'une personne en état de sujétionpsychologique" . Un intitulé, issu de la loi About-Picard de 2001, qui ases limites : Seule la victime peut porter plainte... L'un des avocats de ladéfense a donc demandé à ce que soit inscrit dans le Corde pénal "la misesous emprise mentale préjudiciable" . Un délit ou un crime que pourraitdénoncer un tiers.