Eglise de Scientologie : un deuxième procès en forme de zigzag
Ouvert la semaine dernière, le procès de la branche parisienne de l'Eglise de Scientologie pour "escroquerie" n'est toujours pas rentré dans le vif du sujet, les avocats de la défense ne cessant de soulever des points de droit.
A peine ouvert et déjà menacé. Le procès en appel de l'Eglise de Scientologie se tient à Paris depuis jeudi 3 novembre, mais dès son ouverture, la défense a tout fait pour obtenir son report, voire son annulation. Jugée en tant que personne morale avec cinq dirigeants parisiens de cette secte, la branche parisienne de la Scientologie est accusée d'"escroquerie en bande organisée". En première instance, en 2009, elle avait été condamnée à de lourdes amendes. Mais ce procès en appel commence à reculons.
• Des points de droit à la rescousse de la défense
Dès le premier jour du procès, les avocats des deux principales structures de la Scientologie française, le Celebrity Centre et sa librairie SEL, ont tenté de faire capoter le déroulé de l'audience. Ils ont soumis aux juges des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), une procédure qui entraîne le report d'un procès si les points de droit techniques soulevés sont jugés pertinents.
La défense fait valoir à ce titre deux principaux arguments. D'abord, elle dénonce les délais "non raisonnables" de ce procès en appel, qui intervient treize ans après le dépôt de la première plainte.
Deuxième argument, l'immixtion du pouvoir exécutif dans la procédure. Les avocats considèrent qu'une circulaire sur "la vigilance et la lutte contre les dérives sectaires", adressée en septembre à la Chancellerie, ne garantit pas l'impartialité des juges. La Scientologie a d'ailleurs déposé une plainte auprès des Nations unies le mois dernier pour protester contre ce texte.
La cour d'appel de Paris a rejeté mardi une partie de ces QPC et doit rendre une nouvelle décision jeudi 10 novembre. Si ces points techniques sont retenus, il faudra attendre au maximum trois mois pour savoir si le procès aura lieu.
• Le banc des parties civiles déserté
En 2009, les plaignants avaient livré des témoignages parfois édifiants sur les pratiques des représentants de cette secte. Une ancienne adepte avait par exemple raconté avoir dépensé l'équivalent de 21 500 euros pour s'acheter un électromètre, une machine inventée par les scientologues et qui permet d'évaluer la "charge mentale". Mais depuis ce premier procès, tous les plaignants se sont rétractés.
Ne reste donc sur le banc des parties civiles que l'Unadfi, l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes. Or cette association avait été écartée du premier procès, le juge de l'époque ayant considéré qu'elle n'était pas directement victime de la Scientologie dans cette affaire. Les avocats de la secte vont donc à nouveau plaider l'irrecevabilité en tant que partie civile de l'Unadfi. Si leur requête aboutit, seul le parquet général, c'est-à-dire l'Etat, représentera l'accusation.
• Un premier procès qui risque d'être annulé
Que la cour d'appel de Paris rejette ou non les QPC soumises par la défense, les avocats de l'Eglise de Scientologie ont déjà prévenu : ils continueront leur bataille juridique. Ils ont d'ores et déjà annoncé qu'ils souhaitaient demander l'"annulation" du jugement du 27 octobre 2009, ce qui aurait pour conséquence de relancer toute la machine judiciaire. Cette requête devrait être déposée après la décision du juge sur les QPC, jeudi.
Une chose est sûre, une éventuelle annulation de ce procès n'empêchera pas la Scientologie d'échapper aux autres procédures pour lesquelles elle est poursuivie. La secte est notamment accusée d'avoir importé ses préceptes au sein d'une école privée de Vincennes (Val-de-Marne), à l'insu des parents d'élèves, il y a plus de dix ans. Un autre dossier pour "escroquerie" a été ouvert en 2002 après la plainte d'Alain Stoffen, un ancien adepte. Ce dossier est toujours instruit à Paris.
• Une dissolution de toute façon impossible
En 2009, le parquet de Paris avait profité du procès contre la Scientologie, jugée en tant que personne morale, pour requérir la dissolution de cette secte. Mais cette demande avait été rejetée par le tribunal. Motif : quelques semaines plus tôt, une modification de loi passée totalement inaperçue avait rendu impossible la dissolution d'une personne morale pour "escroquerie".
Considérant ces réquisitions comme "illégales", l'Eglise de Scientologie a d'ailleurs assigné l'Etat pour faute lourde en juin. Une procédure, là encore, toujours en cours.
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