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Clichy-sous-Bois : regards croisés dix ans après la mort de Zyed et Bouna

Le 27 octobre 2005, Zyed et Bouna, deux adolescents de 15 et 17 ans, mouraient électrocutés dans un transformateur EDF à Clichy-sous-Bois. Après ce drame, les émeutes s'étaient étendues à plusieurs villes, avec un lourd bilan : 9.000 véhicules incendiés et des centaines d'interpellations. Retour sur ces événements avec un policier et d'un éducateur, deux hommes qui ont vécu ce drame de très près.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Yannick Landurain et  Samir Mihi © Sébastien baer / France Info)
Dix ans après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, Sébastien Baer a rencontré deux hommes qui ont vécu ce drame de très près. Il répond à Nicolas Teillard

Le premier s'appelle Yannick Landurain. A l'époque, c'était un jeune policier de 24 ans, envoyé sur le terrain, à Clichy, quelques heures après le drame. Notre second témoin était lui éducateur sportif. Il s'appelle Samir Mihi, il avait 29 ans. Et il était le voisin de Bouna, l'un des deux jeunes morts dans le transformateur. "Ce qui m'a marqué, c'est d'entendre les familles crier, sur les enregistrements, lorsqu'elles apprennent que leurs enfants sont morts, de l'autre côté de la clôture " dit Samir Mihi.

"Je me revois arriver au Chêne Pointu à Clichy et c'était vraiment de la guérilla urbaine. J'ai reçu des cailloux, je les voyais arriver, j'ai vu des collègues tomber... On se serait cru à Jerusalem " raconte de son côté Yannick Landurain. Aujourd'hui, Samir Mihi est toujours éducateur sportif à Clichy, il est devenu le porte-parole des familles,  il a aussi participé à la création du collectif AC Lefeu né après le drame. Le policier, lui, travaille toujours en Seine-Saint-Denis. Et il est maintenant membre du syndicat Unité-SGP. 

Dix ans de procédures judiciaires

Depuis ce 27 octobre 2005, 10 années ont passé, ponctuées par les différentes étapes judiciaires de cette affaire. Pour les familles, 3.650 jours interminables jusqu'à ce procès contre les deux policiers poursuivis pour non-assistance à personne en danger. Evidemment, tout cela a été long, pour les policiers comme pour les familles des victimes. "Pendant ces 10 ans, les familles ont toujours été dans la dignité, dans le respect, elles n'ont jamais été dans la vengeance. Tout ce qu'elles voulaient, c'est qu'on ouvre un procès, qu'on sache réellement ce qui s'était passé, que les fonctionnaires aient à justifier leurs actes " dit Samir Mihi. "On se met toujours à la place des collègues, on se dit 10 ans d'attente sans dormir, sans faire de projet, car dans 10 ans, on ne sait pas où on sera... Est-ce que j'aurai encore un métier, est-ce que je serai en prison?" demande Yannick Landurain.

Après le procès, il y a eu le jugement au mois de mai: non coupables, relaxe pour les deux policiers. Déception pour Samir Mihi, le porte-parole des familles de Zyed et Bouna. "Je suis en colère car on considère que ces fonctionnaires ont fait leur travail. Mais s'ils avaient fait leur travail, comment expliquer que deux enfants sont morts? ". Et soulagement pour le délégué Unité-SGP. "Les policiers n'ont pas jeté ces enfants dans le transformateur. Qu'est-ce qu'ils auraient dû faire? Entrer eux-mêmes dans le transformateur, à leurs risques et périls?

Des relations jeunes-police toujours difficiles

Dix ans après, ce drame n'a pas vraiment changé les rapports entre la police et les jeunes dans les cités dites difficiles. Les rapports sont toujours conflictuels expliquent Samir Mihi et Yannick Landurain. C'est d'ailleurs le seul point sur lequel ils s'accordent. "Mes collègues sont régulièrement pris à partie, il y a encore plus de violences contre les policiers en 2015 qu'en 2005, ces gens-là resteront toujours pareils, on peut faire tout ce qu'on veut, il n'y a pas de peur de l'uniforme, ils se sentent forts et la moindre étincelle peut faire dégénérer un contrôle d'identité " souligne Yannick Landurain.

Réponse de Samir Mihi: "Il n'y a pas eu un autre regard de la police sur les banlieues. Quand on voit les contrôles au faciès, les contrôles répétés, c'est clair que 10 ans après il y a toujours les mêmes problèmes jeunes/police et qu'il va falloir y remédier" . Dix ans après, il reste une stèle, à côté du collège de Zyed et Bouna, à Clichy. C'est là qu'aura lieu la cérémonie pour marquer le 10ème anniversaire de la mort des deux adolescents.

  (La plaque en mémoire de Zyed et Bouna © RF/ Sébastien Baer)
 

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