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Cellules individuelles : la France ne respecte pas sa propre loi

La France se trouve depuis ce mardi en dehors de sa propre loi avec l'expiration officielle du moratoire sur le texte qui oblige à respecter le principe de l'encellulement individuel. Un texte vieux de 140 ans mais jamais appliqué. La ministre de la Justice avait reconnu l'objectif impossible à atteindre mais elle refuse l'idée d'un nombre maximal, un numerus clausus, de détenus.
Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Le taux d'occupation des prisons en France atteint 115%. Seuls 38% des détenus dorment en cellule individuelle © Maxppp)

Il s'agit sans doute d'un record en la matière. Un texte de loi qui existe depuis 140 ans et qui depuis 140 ans n'est pas appliqué. De la pure et simple indifférence aux moratoires successifs, la France a réussi à ne jamais respecter le principe de l'encellulement individuel, qu'elle a pourtant elle-même gravé dans le marbre de la loi... en 1875.

Moratoire après moratoire

Mais depuis ce mardi, elle se trouve face à sa responsabilité. En effet jusqu'ici, le ministère de la Justice a fait voter des moratoires sur le texte pour éviter d'avoir à le traduire dans les faits. Pendant ce temps, la population carcérale augmentait de façon spectaculaire, arrivant jusqu'à un taux d'occupation des cellules de 115%. Et seuls 38% des 67.800 détenus, selon les chiffres officiels les plus récents.

L'administration pénitentiaire compte 1.065 matelas sur le sol des cellules. C'est en maison d'arrêt (courtes peines et prévenus en attente de jugement) que le problème se pose et non en centrales (longues peines) où le principe est appliqué. Le dernier moratoire en date expirant ce jour, le ministère de la Justice en avait concocté un nouveau, courant jusqu'en 2018. Pour la ministre Christiane Taubira, l'objectif de l'encellulement individuel était en effet impossible à atteindre.

Seuls 38% des détenus dorment en cellule individuelle. Le reportage de Delphine Gotchaux.

Mais cette fois, l'Assemblée nationale a refusé d'avaliser le bricolage. Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, a retoqué le texte, déplorant une "équation impossible " mais affirmant la nécessité de "sortir de l'impasse ". La chancellerie a donc retiré l'amendement et le Premier ministre a chargé le député socialiste Dominique Raimbourg, avocat de profession et qui a beaucoup travaillé sur les questions de justice, de remettre un rapport à la fin du mois.

"Numerus clausus" dans les prisons

Face à ce constat, la nouvelle Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, plaide pour un "numerus clausus" de détenus, c'est-à-dire un nombre maximal de détenus en France, correspondant au nombre de places disponibles. Quitte à libérer des détenus en fin de peine, avec un accompagnement tout de même, dès que le seuil est atteint. Elle demande aussi l'interdiction des matelas au sol.

"La honte de la République "

Sur France Info ce mardi, la ministre de la Justice a rejeté ce principe : "*L'idée elle-même, dans la mesure où on n'arrive pas à l'installer de façon claire dans la société, j'y suis tout à fait opposée. Mais c'est une idée qui a le mérite de poser le débat sur

l'incarcération. " Le député UMP Guillaume Larrivé a lui dénoncé la proposition d'Adeline Hazan et demandé un accroissement du parc pénitentiaire, tout comme l'Institut pour la justice (IPJ), classé à droite. Le Syndicat de la magistrature (SM), classé lui à gauche, a appelé à rompre avec les prisons surpeuplées, qui font "la honte de la République* ".

VIDEO :

►►► Sur France Info, la ministre de la Justice Christiane Taubira rejette le principe du numerus clausus dans les prisons

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