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Ce que la justice reproche à Serge Dassault

EXPLIQUEZ-MOI | Serge Dassault est ressorti libre de sa garde à vue à Nanterre, ce jeudi soir.  L'avionneur, soupçonné d'achat de votes à Corbeil-Essonnes, sera convoqué ultérieurement par un juge d'instruction pour une possible mise en examen. La semaine dernière, le bureau du Sénat avait accepté de lever l'immunité parlementaire qui protégeait l'élu de toute mesure coercitive.
Article rédigé par Elodie Guéguen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Christophe Petit Tesson Maxppp)

Jeudi soir, Serge Dassault est ressorti libre de sa garde à vue, entamée la veille à 9h. Le sénateur UMP pourrait être convoqué la semaine prochaine par deux juges d'instruction, à Paris. L'enquête porte sur des achats de voix présumés lors d'élections municipales à Corbeil-Essonne, une ville dont il a été maire pendant 14 ans.

Une enquête menée depuis un an 

Deux juges parisiens enquêtent sur des faits présumés de corruption. Serge Dassault serait soupçonné d'avoir mis en place un système clientéliste d'achat de votes. Des habitants de Corbeil auraient selon les juges été achetés pour voter aux élections locales pour Serge Dassault d'abord, puis pour Jean-Pierre Bechter, le dauphin désigné, actuel maire de la ville. 

Une sorte de "tirelire" aurait été mise en place pour rémunérer de jeunes figures locales qui auraient  joué les rabatteurs en période électorale, notamment dans le quartier sensible des Tarterêts,  où l'on vote plutôt à gauche lors des scrutions nationaux. La mission de ces "agents électoraux" : convaincre les habitants de voter Dassault en échange de promesses, de stage, de formation ou encore d'emploi. C'est en tout cas la piste suivie par les juges d'instruction. 

Qu'est-ce qui permet aux juges de penser qu'une "tirelire" a été mise en place à Corbeil?   

Des enregistrements, des documents bancaires, etc. Les magistrats ont recueilli pas mal d'éléments étayant la thèse de la corruption. Mais il y a surtout le témoignage de Mamadou Kébé, ancien habitant de Corbeil aujourd'hui exilé en Belgique. Il a raconté son histoire aux enquêteurs et à des journalistes du Monde . Il aurait joué les agents électoraux pour Serge Dassault. L'avionneur lui aurait offert pour cela 1,2 million d'euros.  Mamadou Kébé raconte qu'il s'est rendu au Liban pour récupérer cet argent, que la famille Dassault avait ouvert un compte à la Société Générale de Beyrouth. Les juges évaluent à 7 millions d'euros l'argent dédié aux possibles achats de vote qui aurait transité par ce compte bancaire. 

Est-ce que ce témoin est crédible? 

Le question est cruciale. Les enquêteurs veulent en avoir le coeur net, alors ils pourraient confronter Mamadou Kébé à Serge Dassault durant cette deuxième journée de garde à vue.  Mamadou Kébé est accusé par l'avionneur d'être un "maître chanteur". Kébé a été mis en examen pour tentative d'extorsion de fonds, après avoir passé des centaines d'appels malveillants à la famille Dassault. 

Dans ce dossier, on parle aussi de grand banditisme ! 

La ville de Corbeil a connu ces derniers mois plusieurs tentatives d'assassinat. Un ancien protégé de Serge Dassault, Younes Bounouara est en détention provisoire pour avoir tiré sur un boxeur. Les juges tentent d'établir un lien entre ces tentatives de règlement de compte et l'argent du clan Dassault. L'hypothèse des magistrats est la suivante : certains rabatteurs n'auraient pas touché les sommes promises et auraient décidé de se venger. 

Que répond Serge Dassault? 

Qu'on cherche à lui nuire. Dans une vidéo postée sur internet il y a quelques jours,  le sénateurs expliquait qu'il avait hâte de pouvoir s'expliquer devant la justice afin de rétablir la vérité. Reste que le conseil d'Etat avait invalidé l'élection de Serge Dassault à la mairie en 2009, au motif que des dons d'argent avaient été effectués. Serge Dassault répond que ces dons n'avaient pas pour objectif d'influer sur le cours des élections. Il souhaitait "aider" un certain nombre de jeunes à l'image de Younes Bounouara qui aurait reçu 2 millions d'euros "pour des projets en Algérie". A l'issue de cette seconde journée d'interrogatoire devant la police anti-corruption de Nanterre, l'avionneur pourrait être déféré devant les juges et mis en examen.

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