Campagne Balladur : un politologue américain payé avec les pots-de-vin de l'affaire Karachi ?
Paul Manafort est un
consultant réputé. Pendant les campagnes présidentielles américaines, il a
conseillé successivement Ronald Reagan, George Bush, John Mc Cain. On lui
doit aussi la victoire en Ukraine du président Ianoukovitch. Il a été également
le conseiller de personnages plus sulfureux comme le dictateur Marcos aux
Philippines et le chef des rebelles Savimbi en Angola. Durant sa longue
carrière, Paul Manafort a-t-il prodigué des conseils à Edouard Balladur dans
l'optique de l'élection présidentielle française de 1995 ? C'est la piste
aujourd'hui suivie par le juge Renaud Van Ruymbeke.
"Manafort transmettait
des fax en anglais au camp Balladur"
Le célèbre magistrat se
base sur les déclarations de Nicola Johnson, l'ex femme de Ziad Takieddine -
cet homme d'affaires soupçonné d'avoir joué les intermédiaires lors de la
négociation de marchés d'armement conclus par le gouvernement Balladur avec le
Pakistan et avec l'Arabie Saoudite -. Devant les enquêteurs, Nicola Johnson a
affirmé que le politologue américain, qui avait une société de communication, a
donné des conseils pour la campagne présidentielle d'Edouard Balladur. Selon
elle, des fax en anglais arrivaient au domicile des Takieddine, l'homme
d'affaire devait se charger de les traduire et de les transmettre au camp
Balladur. "Qui aurait embauché Paul Manafort pour la campagne
présidentielle d'Edouard Balladur ? ", demande un enquêteur. "J'imagine
El Assir et Ziad [Abdul Rahman El Assir est aussi mis en examen dans ce
dossier. Ce riche homme d'affaires aurait été l'associé de Ziad Takieddine pour
jouer les intermédiaires dans la négociation de gros contrats d'armement, NDLR].
Je pense qu'ils l'ont payé. "
Manafort a reçu 252 mille
dollars
Parallèlement, le juge Van
Ruymbeke a exhumé des documents bancaires et ils coïncident avec les
déclarations de Nicola Johnson. Entre septembre 1994 et août 1995, Paul
Manafort a reçu 252 mille dollars de la part d'Abdul Rahman El Assir. En tout,
cinq versements émanant d'un compte ouvert par El Assir dans une banque de
Genève. Renaud Van Ruymbeke pense que c'est sur ce compte que transitaient les
commissions versés en marge des contrats d'armement conclus par le gouvernement
Balladur. Des commissions qui pourraient avoir été partiellement détournées
pour financer la campagne du frère ennemi de Jacques Chirac.
En deux ans de procédure,
les juges ont accumulé des éléments sur des retraits d'argent en espèces opérés
en Suisse selon un schéma complexe impliquant Ziad Takieddine et son associé
ainsi qu'un ami de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert. L'argent aurait été remis
en mains propres à Paris au directeur de la campagne balladurienne, Nicolas
Bazire. Hier Bazire a de nouveau été mis en examen dans ce dossier, pour des
faits de "recel d'abus de biens sociaux".
Takieddine se mure dans le silence
Le 16 octobre, le juge Van
Ruymbeke a voulu interroger Ziad Takieddine sur l'éventuel rôle joué par le
politologue Paul Manafort dans la campagne française de 1995. L'homme
d'affaires franco-libanais a refusé de répondre aux questions du magistrat.
Renaud Van Ruymbeke veut en avoir le coeur net. Il lance donc une commission
rogatoire internationale avec les Etats-Unis, préalable nécessaire pour pouvoir
un peut-être un jour auditionner le consultant américain qui détient,
peut-être, la clé du mystère du financement de la campagne d'Edouard Balladur.
Interrogée par France Info,
l'épouse de Paul Manafort a confirmé que son mari avait fait des affaires dans
le passé avec l'hommes d'affaires Abdul Raman El Assir. Mais elle affirme
n'avoir aucun souvenir d'Edouard Balladur. Paul Manafort, lui, n'a pas donné
suite à nos nombreuses sollicitations.
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