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Brétigny : un "état de délabrement jamais vu" selon les experts

Les experts, désignés par la justice pour déterminer les causes de la catastrophe ferroviaire qui a fait sept morts et une trentaine de blessés, ont rendu leurs conclusions. Le procureur de la République d'Evry devait les communiquer lundi, mais Le Figaro a pu les consulter en avant-première. Et elles sont édifiantes... La SNCF les conteste.
Article rédigé par Guillaume Gaven
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (La catastrophe de Brétigny a fait sept morts et une trentaine de blessés © REUTERS/Gonzalo Fuentes)

Ce n'est pas la première enquête diligentée après la catastrophe de Brétigny-sur-Orge - ce train Paris-Limoges qui a déraillé dans l'Essonne le 12 juillet 2013. Mais il s'agit sans doute de la plus importante, puisque demandée par la justice après l'ouverture d'une information judiciaire.

Il y a déjà eu une enquête interne, conduite par la SNCF et Réseau ferré de France, qui a été remise à la justice, et une enquête technique du Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre, dont un rapport d'étape a été remis en janvier dernier. Celui-ci pointait déjà du doigt les règles de maintenance en vigueur à la SNCF : une fissure s'était développée sur un rail au niveau des éclisses (qui attachent les rails ensemble).  Fixée de part et d'autre du rail et reliée par six, parfois quatre, boulons, une éclisse avait fini par ne tenir que par un boulon et avait pivoté, provoquant le déraillement du train.

Plus de 200 anomalies relevées

Que dit l'enquête judiciaire ? On n'aurait dû l'apprendre que lundi - le procureur de la République d'Evry avait prévu de faire une déclaration publique - mais ce dimanche soir Le Figaro révèle que les experts pointent donc un "état de délabrement jamais vu par ailleurs" . France Info s'est procuré les conclusions des experts : 

Les ingénieurs experts auprès de la cour d'appel de Douai, Michel Dubernard et Pierre Henquenet, notent que "les examens métallurgiques qui ont été effectués permettent d'établir que nous ne sommes pas en présence d'un acte de malveillance, et que le processus ayant abouti à la désagrégation complète de l'assemblage s'est bien au contraire étalé sur plusieurs mois et a concerné l'ensemble de l'appareil de voie incriminé, sur lequel ont été relevées plus de 200 anomalies de divers degrés de criticité. La plupart de ces anomalies étaient connues de la SNCF ou de ses agents sans pour autant qu'ils soient remédiés de façon adéquate."

Lors du déraillement, le train roulait à 137 km/h sur un un tronçon limité à 150 km/h. Vu l'état du réseau, les experts estiment qu'il serait "souhaitable de limiter à 100 km/h la vitesse des trains à l'approche de la gare de Brétigny" .

Le reste est moins surprenant : oui, les règles de maintenance en vigueur sont insuffisantes. Elles imposent de démonter les éclisses tous les trois ans ; il faudrait le faire chaque année, disent les experts.

Le coup de grâce arrive ensuite : "De nombreuses observations faites au cours des tournées de surveillance se sont trouvées reportées d'une opération à l'autre, pour finir parfois par disparaître sans pour autant qu'on ait eu la certitude qu'elles aient été traitées" , notent les experts.

Noisy-le-Sec : l'état du réseau également mis en cause

Les experts pointe du doigt également, dans ce rapport, l'état d'un autre réseau ferroviaire, celui de la gare de Noisy-le-Sec. Ils jugent l'état "inquiétant ". L'adjoint au maire de la ville, Marcel Soligny, explique qu'il ne savait rien de ces défauts de maintenance, et se dit lui aussi inquiet.

Ces conclusions n'étonnent pas Me Philippe Clerc, l'avocat de trois victimes, qui avait lu des choses similaires dans d'autres rapports...

Le démenti de la SNCF et de RFF

Dans un communiqué commun publié dimanche soir, la SNCF et Réseau ferré de France "contestent formellement tout état de délabrement du réseau à Brétigny comme ailleurs" . Et d'expliquer que "Le réseau ferroviaire français fait l'objet d'une maintenance de très haut  niveau et d'une surveillance constante qui exclut l'expression outrancière  d'état de délabrement jamais vu". 

Précision pas inutile : "toutes les expertises feront l'objet d'un débat contradictoire dans le cadre du débat judiciaire" .

 

Patrick Ropert, le directeur de la communication de la SNCF, conteste formellement les conclusions de ce rapport. Il répond à Rosalie Lafarge
 

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