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Affaire Tapie : l'arbitrage a-t-il été biaisé ?

Le journal Le Monde annonce lundi avoir eu accès au dossier judiciaire de l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie. Et le quotidien est catégorique, il y a bien eu entente préalable, avant l'arbitrage, sous la houlette de Nicolas Sarkozy. L'Etat s'apprête à déposer un recours en révision, après s'être constitué partie civile.
Article rédigé par Guillaume Gaven
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Philippe Laurenson Reuters)

L'affaire est explosive - et pourrait emmener, outre Bernard Tapie et ceux qui l'auraient aidé, à Nicolas Sarkozy. Car, le journal Le Monde, qui dit avoir eu accès au dossier judiciaire, affirme lundi que l'implication de l'ancien président de la République est désormais au coeur de l'enquête. Implication, dans l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie, verrouillé au plus haut niveau de l'Etat. L'homme d'affaires a touché, le 7 juillet 2008, 403 millions d'euros pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais.

Le journal est donc catégorique : il y a bien eu entente préalable, avant l'arbitrage. L'enquête prouvrait l'existence d'un lien entre l'arbitre Pierre Estoup, et l'avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne. Le mois dernier, Pierre Estoup, ancien président de la cour d'appel de Versailles, a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée.

Le rôle de Pierre Estoup au coeur de l'enquête

Alors qu'il s'est toujours défendu de connaître Tapie, les enquêteurs ont trouvé, lors d'une perquisition, un livre de Bernard Tapie dédicacé ainsi : "Pour le président Pierre Estoup, en témoignage de mon infinie reconnaissance. Votre soutien a changé le cours de mon destin. Je vous remercie d'avoir eu l'intelligence et le cœur de chercher la vérité cachée derrière les clichés et les apparences. Avec toute mon affection. "   Et dans l'agenda de Bernard Tapie figuraient les coordonnées téléphoniques du juge.

Pire, les enquêteurs savent que c'est l'avocat de Tapie qui a soumis le nom de Pierre Estoup. Lequel facturait, depuis 1997, des honoraires de consultant à un autre avocat de Tapie.

Et ce n'est pas tout. A en croire Le Monde , Pierre Estoup aurait neutralisé les deux autres arbitres en se chargeant de tout, et en leur proposant des honoraires confortables pour une charge de travail réduite - 398.000 euros pour Me Jean-Denis Bredin qui, victime depuis d'un AVC, ne se souvient plusvraiment.

Sarkozy désormais au coeur de l'enquête

Quant à l'implication de Nicolas Sarkozy, elle est désormais scrutée de très près par la justice. Ministre de l'Economie puis de l'Intérieur, entre 2004 et 2007, chef de l'Etat ensuite, il aurait manoeuvré pour son " ami " .

Ainsi, en février 2008, Tapie parle de racheter le club de football du Servette de Genève. Avec quel argent, se demande Pierre Condamin-Gerbier, ancien gestionnaire de fortune de la fiduciaire genevoise Reyl. Qui se voit répondre : "Il m'a répondu qu'il était absolument certain de percevoir une très forte somme d'argent ; somme 'énorme' selon ses termes ; sans précision de montant, d'une décision qui serait rendue en sa faveur dans le cadre d'un arbitrage entre lui et le Crédit lyonnais " . Et d'ajouter : " M. Tapie m'a affirmé que Nicolas Sarkozy, dont il était très proche, lui devait quelque chose en retour de son soutien public dans le cadre de la présidentielle 2007 et que, du fait de son élection à la présidence de la République, M. Sarkozy allait nécessairement influencer la décision " .

Au plus fort de l'arbitrage, si l'on en croit le registre des entrées de l'Elysée, Bernard Tapie s'est rendu 22 fois au palais, pour quatre tête-à-tête avec Sarkozy ; les autres rendez-vous ayant lieu avec ses collaborateurs, le secrétaire général Claude Guéant en tête, et son adjoint François Pérol.

Jean-Pierre Aubert, l'ancien patron du CDR, a déclaré à la Cour de justice de la République que, dès l'été 2004, Sarkozy, alors aux Finances, avait plaidé pour une médiation. C'est Christine Lagarde qui, finalement, prend la décision de l'arbitrage. Devant la CJR, elle explique ne pas être au courant de quoi que ce soit : " Je  ne me rappelle pas que M. Richard ( son directeur de cabinet) m'ait fait part d'un accord de M. Guéant ou de M. Pérol ou d'une objection ."  

Sauf que les magistrats de la CJR ont découvert que, dès septembre 2007, le président du Crédit Lyonnais avait été entrepris par François Pérol pour un arbitrage. Christine Lagarde dit n'en avoir rien su.

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